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mal l’autorité du Sultan. On a pu voir, en ces dernières années, le vali de Mossoul tenu en échec par quelques bandes de pillards rebelles. Cette faiblesse de la domination ottomane encourage toutes les convoitises. Depuis longtemps, les deux grandes puissances asiatiques, la Russie et l’Angleterre, visent ces vieux pays ; chacune d’elles y a tracé sa zone d’influence et de pénétration. Pour se faire une place, le Drang pangermaniste refoule les anciens rivaux, froisse leurs intérêts, contrecarre leurs plans. Ecartant l’un, évinçant l’autre, réussira-t-il à se glisser, par la vallée de l’Euphrate, jusqu’au golfe Persique, pour y rebondir vers l’Extrême Orient ? La question se pose à Londres, à Pétersbourg, à Berlin. De la réponse dépend l’avenir du chemin de fer de Bagdad.

La Russie reste, en Arménie, la voisine immédiate de l’Empire ottoman, dont elle a longtemps prétendu hériter. Détournée des Balkans par le traité de Berlin, séparée de Constantinople par de jeunes États qui répudient sa tutelle, elle a dirigé vers l’Asie les grands desseins de sa politique. Les Skobeleff ont achevé la conquête du Turkestan, tandis que les Annenkof construisaient le chemin de fer transcaspien, aujourd’hui relié à Orenbourg et aux réseaux d’Europe. D’immenses territoires, naguère improductifs, cultivent avec succès le mûrier, le cotonnier, la vigne. Mais l’Angleterre veillait sur l’Inde. Hantée par la crainte du « péril cosaque, » elle protégeait l’Afghanistan, que menaçait la Russie. La rivalité devint si aiguë qu’on put croire la guerre imminente : les deux gouvernemens s’arrangèrent à l’amiable. Il fallut ensuite tracer la frontière afghane sur le Pamir, et l’opération ne prit fin qu’en 1895. Depuis lors, les conflits ont cessé dans ces parages. Mais les gradins de l’Afghanistan, marche militaire anglaise, barrent la route des Indes. L’expansion russe a trouvé ses bornes dans l’Asie Centrale. Elle s’est reportée vers l’Extrême-Orient, dans une course audacieuse qui parut d’abord triomphale. En 1900, le Transsibérien atteignait Vladivostok, la « dominatrice de l’Est, » et les provinces mongoles passaient dans la sphère d’influence de la Russie. Elle allait capter au loin les grandes sources du commerce, détourner les anciennes routes de la Chine et des Indes. Port-Arthur lui donnait un port en eau libre sur le Pacifique : elle y trouva la guerre.

Refoulée par les victoires japonaises, paralysée par son évolution