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L’autorisation lui ayant été accordée, il se hâtait de le mander à Blacas[1], non sans lui confesser la surprise que lui causait « l’événement unique » qui, de la manière la plus naturelle, le conduisait « dans la grande Lutèce, cette sage, folle, élégante, grossière, sublime, abominable cité, » avec laquelle il avait longtemps cru ne faire jamais connaissance. Mais, hélas ! il ne devait pas y trouver son ami.

Celui-ci lui en exprimait le plus vif regret. Il espérait bien cependant qu’ils se rencontreraient bientôt à Rome. « Vous savez quelles sont mes prétentions ; je ne veux pas en démordre et je vous supplie de vous en occuper. » Il affirmait ensuite que le roi de France serait heureux « de voir enfin quelqu’un qu’il connaît, qu’il estime et qu’il aime depuis nombre d’années. » — « Vous trouverez à Paris beaucoup de vos anciennes connaissances et beaucoup de gens qui, sans vous avoir vu, ne vous en connaissent pas moins. Mais je vous prie de faire une visite de ma part à ma grand’tante, la duchesse de Damas : vous serez sur-le-champ lié avec elle. Voyez aussi le bon duc d’Havre, l’archevêque de Reims, Mme la vicomtesse d’Agoult. Enfin, mon cher comte, tous mes amis seront les vôtres, et vous n’aurez qu’à vous nommer... »

Parti de Saint-Pétersbourg le 27 mai, Joseph de Maistre arrivait en France, à la mi-juin. Sa correspondance imprimée ne contient aucune lettre datée de la capitale, et parmi celles qu’il a écrites au comte de Blacas, il n’en est qu’une, — la suivante, — qui l’ait été à Paris.


« Paris, rue et hôtel du Helder, 20 juillet 1817. — Quel plaisir pour moi, monsieur le comte, de savoir que ce billet, renfermé dans une lettre écrite par une main amie, vous parviendra sûrement ! Me voici à Paris contre toutes les probabilités possibles. Je me hâtai de vous en faire part à Rome au moment même où la chose fut décidée. Qui sait si cette lettre vous est parvenue ? Peu de temps après, les papiers publics m’apprirent votre excursion à Paris ; mon cœur battit de joie ; mais, hélas ! mon espoir s’en est allé en fumée. Vous n’êtes plus ici. Mais, d’une manière ou d’une autre, je vous verrai. Oui, je vous verrai à Rome ou à Turin, — ou ailleurs ; — mais, enfin, je ne puis me résoudre à ne plus vous voir.

  1. Le 8 mai/27 avril, Correspondance imprimée, t. VI, p. 87.