« Au fait, cher comte, vous me connaissez, vous connaissez mes sentimens, mes principes, mon dévouement au Roi et à sa cause, et vous ne devez pas être surpris que ceux qui voulaient chercher à détruire l’autorité royale travaillassent à me nuire et à m’éloigner. Vous n’avez non plus pas été surpris que je ne fisse plus partie d’un ministère dans lequel des circonstances trop malheureuses, sans doute, avaient forcé le Roi à faire entrer un homme près duquel je ne pouvais m’asseoir[1]. Il n’y est plus, heureusement ; mais je ne suis cependant pas encore décidé sur le parti que je vais prendre. Je ne compte pas rester longtemps à Naples.
« J’irai d’abord à Rome, que Mme de Blacas désire connaître ; je me rendrai de là à Florence et ensuite à Vienne, comme ambassadeur, ou à Paris. Ma charge de grand maître de la garde-robe et les bontés dont le Roi m’honore m’y placeront toujours très bien. Voilà à peu près mes projets. Je les suivrai autant que l’on peut faire ce que l’on veut dans le temps où nous vivons. Je ne vous parlerai pas nouvelles ; celles qui m’occupent sont trop tristes pour que je veuille vous en entretenir maintenant. L’état de la France m’afflige vivement et vous partagez à cet égard, comme sous bien d’autres rapports, tous les sentimens que j’éprouve.
« On me mande qu’il vient de paraître un nouvel ouvrage devons. Pourquoi ne me l’avez-vous pas envoyé ? Pensez quelquefois à moi, mon cher comte, et soyez certain que ni le temps, ni l’absence, ni l’éloignement ne peuvent changer les tendres sentimens qui m’attachent à vous pour la vie.
« P.-S. — Je n’ai pas l’honneur de connaître Mme la comtesse de Maistre ; je vous prie cependant de lui offrir nos hommages. Mme de Blacas, qui vous connaît beaucoup sans vous avoir jamais vu, vous fait ses complimens. Ne m’oubliez pas auprès de M. votre fils. Le fils du duc de Serra-Capriola qui vous remettra cette lettre vous donnera sur l’Italie et sur Naples en particulier tous les détails que vous pourrez désirer. Mon banquier à Rome s’appelle Marin Torlonia et à Florence Donat Orsi. Vous pouvez m’écrire sous leur couvert ; vos lettres m’arriveront exactement. »
- ↑ Allusion à Fouché qui fit partie du premier ministère de 1815 et dut en sortir au mois de septembre.