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LETTRES INÉDITES
DE
JOSEPH DE MAISTRE

III[1]
SES DERNIÈRES ANNÉES


I

Dans la carrière de Napoléon, l’année 1812 apparaît comme l’année fatale, l’année terrible, celle qui annonce la fin. Joseph de Maistre en a suivi et décrit les péripéties : il nous a montré la fortune lassée de sourire au conquérant et de favoriser ses ambitions, se dressant en travers de sa route et l’enveloppant d’une ombre profonde, qui lui dérobe les abîmes vers lesquels il marche. L’année 1813 voit cette ombre s’épaissir. Le 18 octobre, sur le champ de bataille de Leipzig, entre Napoléon et l’Europe qui l’a condamné, le destin se prononce[2]. Seize jours plus tard, de Maistre entretient Blacas de ce retentissant épisode d’une lutte épique.


« La bataille de Leipzig aura fait un beau tapage dans le pays que vous habitez. Elle est au nombre de ces batailles qui

  1. Voyez la Revue du 1er février et du 1er mars.
  2. « Mon amie, je t’écris le jour anniversaire du plus grand événement de l’histoire moderne. Il y a six ans que les destinées du monde ont été jugées. La cause de Napoléon eût été perdue sans la journée de Leipzig, tout comme elle l’a été par elle. Mais ce jour a éclairé le monde... On peut compter hardiment que ce jour, il a été échangé, de part et d’autre, 300 000 coups de canon. Si tu leur ajoutes 12 ou 15 millions de coups de mousqueterie et si tu les répartis dans un espace de dix heures, tu auras une gamme pour le bruit qu’a dû faire la chute d’un tel homme. » — Le prince de Metternich à la princesse de Liéven, 18 octobre 1819 (Revue hebdomadaire du 29 juillet 1899).