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abbaye sera construite à Pothières in pago Laticensi. La Vita (§ 102) dit que cette abbaye est placée près de la Seine secus montem Laiiscum, quem vulgus corrupte Lascum nuncupat ; elle ajoute que le très noble château de Roussillon se dressait au sommet de cette montagne, qu’il fut détruit par les Vandales, puis réédifié par Girard.

Cette montagne, la carte de l’État-major et celle du Dépôt des fortifications la désignent encore sous le nom de Mont Lassois[1]. Le mont Lassois a environ 500 mètres de longueur du nord au sud, 200 mètres de largeur et surplombe la rive gauche de la Seine d’une hauteur de 307 mètres. Il s’élève entre Châtillon et Pothières, à 6 kilomètres environ en aval de Châtillon, à 2 kilomètres environ en amont de Pothières. C’est sur cette montagne qu’était jadis le castrum de Latisco, chef-lieu du pagus Lafiscensis, qui comprenait Châtillon. Latisco fut un centre important à l’époque gallo-romaine, et bien plus tard encore ; il y eut là longtemps un atelier monétaire : M. Prou a reproduit dans son livre sur Les monnaies carolingiennes un denier de Charles le Chauve qui y fut frappé, et qui a pu passer par les mains du marquis Girard[2]. Une voie romaine, allant de Langres à Auxerre, longeait le mont Lassois.

Aujourd’hui on ne trouve plus guère sur cette montagne que des briques et des tuiles gallo-romaines ; mais, à l’époque où vivaient nos jongleurs, il subsistait de Latisco des ruines encore imposantes : « elles attestent, dit la Vita Girardi (§ 107), qu’une grande et puissante agglomération d’hommes y a séjourné. » On y voyait aussi des vestiges de constructions carolingiennes, s’il faut en croire les érudits locaux : « L’église de Saint-Marcel, servant de paroisse aux villages de Vix et d’Estrochey, qui passent pour des restes de Roussillon, peut aider à déterminer l’emplacement du château, dont elle était, dit-on, la chapelle. On trouve encore à l’entour des pierres sculptées provenant des ruines de la forteresse. Un puits d’un beau travail, qu’on remarque encore sur la montagne, l’alimentait d’eaux abondantes[3]. » L’auteur du roman de Girard de Roussillon en vers alexandrins,

  1. Il semble qu’aujourd’hui on l’appelle plutôt dans le pays la montagne de Vix, du nom du village le plus voisin.
  2. Les monnaies carolingiennes (1896), p. 80 (no 564). Voyez aussi d’Arbois de Jubainville, dans la Bibliothèque de l’Église des Chartes, 1857, p. 203.
  3. G. Lapérouse, L’Histoire de Châtillon, 1832, p. 95. Cf. Mignard, Histoire et légende concernant le pays de la Monlagne ou le Châtillonnais, 1853, p. 34.