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I

Considérons les renseignemens topographiques que nous donnent le moine et le poète. Les remarques qui vont suivre sembleront d’abord futiles en leur minutie ; on reconnaîtra bientôt, j’espère, qu’elles ne le sont pas.

D’après la chanson renouvelée (§§ 126, 132, etc.), l’une des grandes batailles de Girard contre Charles, celle où se produit le miracle des gonfanons embrasés, eut lieu « dans les plaines de Valbeton ; » d’après la Vita, au même endroit (in valle videlicet Betun) ; mais le moine précise : il ajoute que ce lieu se trouve « entre la montagne de Vézelay et le village de Pierre-Perthuis, » lequel se voit sur toutes les cartes à une lieue au sud de Vézelay. D’autre part, comme on ne voit sur aucune carte aux environs de Vézelay aucun nom qui ressemble à Valbeton, on pouvait croire (et un savant allemand a même échafaudé sur cette opinion tout un système) que cette localisation de Valbeton auprès de Vézelay était le fait du moine[1] ; elle ne serait pas primitive, mais récente et tendancieuse. Par malheur, on a fini par retrouver ce très authentique Valbeton. M. Léon Mirot[2] a découvert, dans un terrier de l’hospice de Vézelay, datant de la première moitié du XIXe siècle, « la mention de certains biens sis au climat (c’est-à-dire au lieu dit) de Vaubouton, du finage de Saint-Père-sous-Vézelay. L’atlas cadastral de cette dernière commune permet de préciser davantage : le climat de Vaubouton y est indiqué sur la rive gauche de la Cure, dans la section de Foissy. » En outre, « non loin de Vaubouton, le cadastre mentionne un autre lieu dit le Charnier, déjà indiqué sous ce nom en 1579, et où l’on met fréquemment à jour des sarcophages dont il subsiste encore des débris à Foissy. » Il suit de là que le poète primitif, en plaçant la bataille et le miracle des gonfanons embrasés non pas dans un lieu imaginaire, mais à Saint-Père-sous-Vézelay, entendait bien la placer au pied même de la montagne où son héros devait un jour élever un monastère. Il suit de là, en outre, que ce premier poète utilisait un dépôt de sarcophages, qu’il avait dû voir de ses yeux.

  1. Pourtant, la chanson (§ 141) marque déjà que Valbeton est dans le voisinage d’Avallon, donc de Vézelay.
  2. Romania, t. XXI (1892), p. 257.