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les devoirs prochains de l’Allemagne, on avait pu se demander si les ministres des États du Sud, qui rêvaient de former une « triade » servant de tampon entre l’Autriche et la Prusse, ne pourraient pas escompter, tôt ou tard, la sympathie de ces deux parlementaires prussiens. Il en était du légitimisme allemand comme de tous les partis légitimistes : je ne sais quelle méfiance réciproque devait fatalement s’insinuer entre les théoriciens qui, sans transiger, laissaient venir le désastre, et les politiques pratiques qui, même au prix de transactions, aspiraient à le conjurer.


VII

Le désastre, c’était la guerre de l’Allemand contre l’Allemand, c’était le duel fratricide entre l’Autriche et la Prusse, « Ne vous inquiétez pas de ce que fait la Prusse en Schleswig, disait Joerg, le publiciste bavarois, à certains de ses amis toujours impatiens de chercher noise au cabinet de Berlin ; du moment qu’elle s’occupe là-haut, le duel est évité… » Et c’est précisément de la besogne, faite là-haut par la Prusse, que le duel allait résulter. La Prusse, dans l’été de 1866, mobilisa contre l’Autriche.

Auguste Reichensperger, en ce moment-là, faisait un voyage d’archéologie. Soudain, tous ses rêves, toutes les idées auxquelles s’était vouée sa vie, semblèrent tomber en ruines, comme ces vieux châteaux rhénans au pied desquels il passait en touriste.

« Quelle catastrophe ! notait-il sur son Journal à la date du 20 juin. Ah ! si l’orgueil vieux-prussien (der altpreussische Hochmuth), qui a amené la catastrophe par les cheveux, pouvait être brisé sans effusion de sang ! Le prussianisme a tant de côtés respectables ; la marotte de sa vocation historique, qui date de Frédéric II, l’a infecté, poussé vers l’abîme. »

Puis, le 29, à la nouvelle d’une première victoire prussienne :

« Novus oritur rerum ordo. C’est comme Dieu le veut ! Maintenant Napoléon va paraître au premier plan et réclamer sa part. Et les innombrables vies d’hommes ! La Vénétie s’effondrera, et puis Rome. »

Le 3 juillet, dans l’attente de dépêches nouvelles :