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congrès catholique d’Aix-la-Chapelle en 1862, Moufang, vicaire général de Ketteler, éleva solennellement la voix contre les théories qui prêchaient le droit absolu des nationalités. À deux pas de la tombe de Charlemagne, dans ce reliquaire d’archaïsmes historiques qu’est la ville d’Aix-la-Chapelle, les représentans de toutes les associations catholiques des divers pays allemands affirmèrent leur dévouement à l’idée de Grande Allemagne. « L’Autriche, lisait-on dans le Catholique de Mayence, au début de 1863, demeure la citadelle du droit, la forteresse contre laquelle se brise la Révolution ; elle fut dans les derniers siècles le seul appui juridique du catholicisme allemand comme elle est le loyal bouclier de la papauté. » Observons ces derniers mots ; ils indiquaient aux catholiques une raison nouvelle de garder à l’Autriche leur foi. Les défaites mêmes qu’avait récemment subies François-Joseph accentuaient l’analogie entre sa cause et celle du Pape : ils étaient victimes, l’un et l’autre, de l’absolutisme des nationalités, souveraines toutes neuves, qui avaient l’orgueil de la jeunesse. Que la Prusse se dérobât lorsque les députés catholiques souhaitaient qu’elle arrêtât les projets de Cavour contre le vicaire spirituel du Christ, rien n’était plus naturel, puisqu’elle-même cernait, par des manœuvres équivalentes, le descendant de ce vicaire temporel qu’avait été Charles-Quint. L’Allemagne, comme le disait Reichensperger, avait aussi ses « cavouriens. » À Rome, la Civiltà Cattolica insistait sur la ressemblance. Elle remontrait aux catholiques allemands que leur pape et leur empereur étaient en butte aux mêmes intrigues, inspirées par la même hérésie politique ; et au mois de septembre 1863, elle expliquait que l’Autriche seule pouvait constituer le centre de l’unité allemande ; car l’Autriche, d’ailleurs dépositaire des traditions du Saint-Empire, avait sur la Prusse ces trois supériorités d’être catholique, de posséder un territoire plus étendu, et de n’avoir jamais accru sa puissance aux dépens de la justice et du bon droit. Quant à ceux que les considérations de droit laissaient indifférens, ils pouvaient lire dans les Feuilles historico-politiques de Munich ce pronostic sommaire : « L’Allemagne unifiée par la Prusse serait rayée de la liste des nations. » La feuille bavaroise, proposant à la Prusse une alternative peu glorieuse, lui laissait espérer quelque grandeur, si elle voulait demeurer une petite puissance, et lui certifiait que dans le rôle de grande puissance elle ne serait jamais qu’insignifiante