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l’écrit : Lamperoehr. Alban Stolz, le prêtre publiciste, ne décolère point à l’endroit du « sultan des Français. » À Darmstadt, le doyen catholique refusa au ministre de France de célébrer la messe pour son souverain : l’incident prit une portée diplomatique, et l’évêque Ketteler, questionné par le cabinet hessois, couvrit son subordonné. « Le neveu semble vouloir copier l’oncle, même jusqu’au sacrilège, » disait encore Geissel. Retenons ces quolibets, retenons ces anathèmes : ils gravaient dans les âmes d’inexpiables rancunes, que nous verrons venir à la rescousse, ardentes et dociles, lorsque, onze ans plus tard, Bismarck, au nom d’idées politiques toutes différentes, cherchera d’autres chicanes à l’empereur Napoléon.

Les catholiques d’Allemagne, déçus et ulcérés, s’acheminaient vers l’année 1860 avec un profond sentiment de l’irréparable. « Où que nous regardions, gémissait Geissel, c’est une détresse sans mesure et sans fin. Le diabolique triomphe, la cause juste succombe. » Fœrster, prince-évêque de Breslau, lui donnait la réplique. « C’en est fait du vieux droit, proclamait-il ; le droit du poing lui a succédé. À Solférino, l’ordre du monde, tel qu’il existait jusqu’ici, a été mis au tombeau. » — « Si l’Autriche périclite, écrivait Laurent, vicaire apostolique du Luxembourg, nous ne songerons plus qu’à la fin du monde. »

À ce moment même, l’idée prussienne d’une « petite Allemagne, » ambitieuse de donner à l’Allemagne, à l’Europe et au monde une face nouvelle, suscitait deux initiatives qui aggravaient encore la catastrophe autrichienne : l’une, scientifique d’apparence, était la création d’une Revue historique sous la direction de Sybel ; l’autre, ouvertement politique, était la fondation de l’Association nationale allemande sous la présidence de Bennigsen. Le catholicisme allemand, solidarisé avec l’Autriche vaincue, allait subir l’assaut de ces deux engins, et ce n’est pas sans raison que le Catholique de Mayence, dans l’article par lequel il ouvrait l’année 1860, pleurait sur les douze mois écoulés comme sur les plus troubles depuis 1809.


V

« Du train dont vont les choses, lisait-on vers la même date dans les Feuilles historico-politiques de Munich, l’abîme entre catholiques et protestans se rouvrira aussi large qu’au