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historico-politiques d’être plus anti-prussiennes que les Autrichiens eux-mêmes :


C’est vrai, ripostait l’organe bavarois ; toutes nos espérances allemandes sont placées dans l’Autriche, exclusivement… Ce serait une trahison de ne pas combattre la politique allemande de la Prusse avec l’extrême énergie de notre haine… Qu’adviendra-t-il ? Mystère ! Mais en tout cas, pas de « petite Allemagne » prussienne (Kein preussisches Kleindeutschland) ! Ce qui, aujourd’hui, gagne de plus en plus de force morale et des chances toujours plus grandes, c’est le légitimisme allemand (der deutsche Legitimismus).


Il faut voir, aussi, comment Beda Weber, le curé de Francfort, avec son âpreté de Tyrolien, rabrouait en 1836 le publiciste protestant Diezel, qui traçait le programme d’une alliance entre l’Église romaine et la Prusse contre le slavisme schismatique. C’était là faire injure à l’Église, protestait Beda Weber : voulait-on qu’elle se mît à la remorque de la politique des nationalités, qu’elle se réduisît à être une sorte d’Islam ?

Qu’importaient d’ailleurs ces rêves fantaisistes d’une Église servant la Prusse ? On voyait s’ébaucher une réalité singulièrement plus souriante : l’Église servie par l’Autriche. Car l’Autriche venait de signer avec Rome le Concordat. L’épiscopat d’Allemagne était dans l’allégresse. François-Joseph, d’un trait de plume, avait rayé tout le passé joséphiste ; et Rauscher, l’archevêque de Vienne, célébrait en des accens d’un autre âge cette union sincère, loyale, effective, entre l’Empire et le Saint-Siège. La concorde de François-Joseph et de Pie IX planait sur l’Europe, comme une sorte d’exemple dominateur, et l’exemple était d’autant plus significatif, que le souverain laïque qui le donnait ne régnait pas à proprement parler sur une nation, mais sur plusieurs morceaux de nations, sur des Allemands, sur des Polonais, sur des Magyars, sur des Slovènes, sur des Italiens. Cette Autriche que d’aucuns traitaient dédaigneusement d’expression géographique, elle subsistait et s’affirmait, au milieu du grondement des nationalités, comme une sorte de microcosme de la chrétienté ; elle était hétérogène comme l’antique chrétienté, et polyglotte comme elle, et bigarrée comme elle ; elle avait comme elle un empereur, plus déférent même à l’endroit du Saint-Siège que ne l’avaient été beaucoup des Césars du moyen âge ; et tandis que la Prusse, sourdement, travaillait contre l’Église, l’Autriche s’affichait avec l’Église et collaborait