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aussi, détacher de l’Autriche la Bavière catholique ; exciter les intérêts confessionnels lorsqu’ils militaient contre l’État des Habsbourgs ; les endormir, au contraire, et les contre-balancer par d’autres influences, lorsqu’ils eussent risqué de chercher à Vienne un appui : telle était la politique prussienne. Elle reposait sur une théorie hautement affichée, d’après laquelle la Prusse avait en Allemagne une vocation spéciale (deutscher Beruf). Essayait-on de définir cette vocation, tout de suite les considérations religieuses et les considérations politiques s’enchevêtraient. La Prusse était-elle une apôtre, jalouse de s’agrandir pour mieux servir la Réforme, ou bien n’était-elle qu’une conquérante à qui les intérêts de la Réforme servaient d’adroit prétexte pour soigner ses propres intérêts ? Il était assez difficile de le démêler ; mais un fait demeurait évident, c’est que la Prusse, au nom de ce qu’elle appelait sa « mission allemande, » désirait s’étendre aux dépens de l’Autriche et de l’Allemagne catholique. Auguste Reichensperger, catholique et fonctionnaire prussien, détestait les gens qui soufflaient à son pays cette ambition. Il les appelait les pires ennemis de la Prusse ; et il se piquait d’être bon Prussien, meilleur Prussien qu’eux, lorsqu’il écrivait : « J’estime qu’en Allemagne l’Autriche n’est pas moins nécessaire que la Prusse ; j’estime qu’un tel dualisme est pour l’Allemagne une condition vitale, au point de vue politique et même, dans l’état actuel des choses, au point de vue religieux, au point de vue confessionnel. Il ne peut s’agir ni d’une absorption de l’Allemagne dans la Prusse, ni d’une absorption de l’Allemagne dans l’Autriche ; les deux grands États doivent aller la main dans la main. Où en arrivera notre patrie, si ces deux puissances, au lieu de s’assister mutuellement, prennent des voies différentes ? » On ne pouvait condamner avec plus d’émotion les premières aspirations de la Prusse à l’hégémonie exclusive de l’Allemagne, sous les regards impuissans d’une Autriche bannie. Cela paraissait à Reichensperger une offense contre la sainteté même du droit. À plus forte raison les catholiques des autres États, qui n’avaient pas, comme lui, des motifs sincères de ménager la Prusse, repoussaient-ils une telle éventualité avec des soubresauts de colère. Ils se voyaient déjà traités par la Prusse comme l’avaient été par les Pays-Bas leurs coreligionnaires de Belgique, par l’Angleterre leurs coreligionnaires d’Irlande.

Un jour de 1835, la Gazette de la Croix raillant les Feuilles