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II

L’année 1848, en même temps qu’elle apportait à l’Eglise d’Allemagne, tourmentée, la veille encore, par les bureaucraties d’Etat, la promesse et la garantie d’une liberté nouvelle, mit en deuil un certain nombre d’imaginations catholiques. L’Autriche, en qui ces imaginations plaçaient leur confiance, courut alors le premier risque d’être expulsée de l’Allemagne ; et ce risque, même conjuré, était un symptôme grave. Au Parlement de Francfort, le droit de cité germanique parut chicané, marchandé, mesuré, à cette dynastie même des Habsbourgs qui, depuis des siècles, représentait aux yeux du monde la Germanie. Le peuple allemand, devenu puissance politique, saluait dans l’Etat autrichien un allié ; mais un tel salut équivalait à une disgrâce, à un ostracisme ; on prétendait que l’Etat autrichien cessât d’être un membre du corps allemand. Un catholique, le général de Radowitz, avait une part de responsabilité dans cette politique. Lorsque Frédéric-Guillaume IV, son roi et son ami, eut écarté comme un calice, d’un geste tout romantique, la couronne impériale qu’on lui faisait offrir de Francfort, l’opiniâtre Radowitz prit une revanche en faisant convoquer le Parlement d’Erfurt pour que l’œuvre de Francfort fût reprise et pour qu’en dehors de l’Autriche une Allemagne se constituât. La revanche fut plus complète que ne le souhaitait Radowitz ; le parti de Gotha, maître de la majorité à Erfurt, traitait l’Autriche, non plus même en alliée, mais en ennemie. En face de ce parti se dressèrent les onze catholiques de l’assemblée : avocats fidèles de l’Autriche excommuniée, ils formèrent la fraction de la grande Allemagne (Grossdeutsch), qui n’affectait aucun exclusivisme confessionnel, mais qui fut catholique par ses origines, par ses aspirations, par ses visées, et dont le hasard voulut, à Erfurt, qu’elle fût à l’unanimité composée de catholiques.

Auguste Reichensperger, un Rhénan, fut l’âme de cette fraction[1]. Aux derniers jours du Parlement de Francfort, il avait

  1. Les deux volumes que M. Pastor, l’historien des papes de la Renaissance, actuellement directeur, à Rome, de l’Institut historique autrichien, a consacrés à Auguste Reichensperger (Fribourg, Herder), sont l’une des sources les plus importantes de l’histoire politique et religieuse de l’Allemagne durant le dernier demi-siècle : ils nous ont été d’un secours précieux.