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« Notre peuple de Francfort, reprenait son ami Schlosser, âme de poète et d’artiste, sent d’un instinct ineffaçable que l’Autriche doit être la puissance impériale allemande. Tout ce que les gens du parti de Gotha baptisent de leur nom, ce ne sont que des fleurs artificielles en papier coloré. »

Pour des esprits comme Boehmer, comme le catholique Schlosser, la dynastie des Habsbourgs était, à proprement parler, la propagatrice du germanisme ; c’est elle, et elle seule, qui pouvait porter le nom allemand, l’esprit allemand, la langue allemande, bien au-delà du pays auquel une géographie banale restreignait le nom d’Allemagne. Ringseis, le professeur catholique de l’Université de Munich, ne put jamais se consoler que les dislocations politiques dont, au XVIe siècle, la Réforme fut la cause, eussent peu à peu détaché du corps germanique la Lorraine et l’Alsace, la Suisse et la Hollande, le pays belge et les provinces baltiques. Son patriotisme même d’Allemand, l’attachement même qu’il portait à la grandeur nationale, semblaient encourager son intransigeance de catholique romain, et enraciner en son âme d’éternels regrets à l’endroit du Saint-Empire et de la chrétienté disloquée. Beda Weber, le curé de Francfort, Michelis, ancien secrétaire de l’archevêque Droste-Vischering, — et l’on en pourrait citer beaucoup d’autres, — se complaisaient dans le même état d’esprit. « Plein d’espoir, tu dois vivre pour l’avenir, disait Michelis au peuple westphalien ; de ton regard de voyant, tu dois entrevoir l’Empereur ; un héroïque empereur relèvera le drapeau de l’Empire… » Vous pensez, peut-être, que ce poème, qui fut publié en 1857, deux ans après la mort de l’auteur, pourrait être interprété comme un pronostic de la prochaine grandeur des Hohenzollern. Détrompez-vous, Michelis est un prophète du passé : « Un héroïque Empereur relèvera le drapeau, pour fonder à nouveau le bonheur de l’Église et le bonheur de l’Empire. » Et le poète conjure le peuple westphalien de garder loyalement « le trésor de sa foi ; » car « quiconque te le vole, boitte sang de ton cœur. » C’est à un Empire catholique, s’appuyant sur le catholicisme et régnant par le catholicisme, que s’appliquent ses confiantes prévisions : ni comme catholique, ni comme Allemand, il ne peut croire, lui, Westphalien, sujet du roi de Prusse, que le Saint-Empire soit mort pour toujours.