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de traduire en hiéroglyphes une inscription en l’honneur de ses exploits et dans laquelle Auguste était à peine nommé, semblent l’avoir trahi, en mettant dans la traduction, non plus son éloge, mais de vagues et d’emphatiques louanges à l’adresse d’Auguste. Gallus ne savait pas déchiffrer les mystérieux caractères !

Arrêter Cornélius Gallus sur le chemin de la nouvelle conquête était chose nécessaire, mais le moyen manquait, puisque Auguste ne voulait pas se servir de ceux qu’il avait à sa disposition. Il semble qu’à la fin il prit le parti de faire intervenir le Sénat et l’opinion publique. Beaucoup d’officiers qui revenaient d’Egypte racontaient, sans doute en les exagérant, les étranges exploits de Gallus. Parmi ces officiers, un des plus violens était un certain Valérius Largus, qui semble avoir eu des motifs de rancune personnelle contre le præfectus Ægypti. Il est vraisemblable qu’Auguste fit indirectement engager Largus à dénoncer au public les extravagances de Gallus, avec l’espoir d’intimider le gouverneur de l’Egypte, en lui montrant le mécontentement populaire.

Mais avant que Largus eût commencé ses révélations, Auguste avait quitté Rome. Il était parti sans doute dès que Valérius Messala s’était décidé à accepter pour l’année suivante la præfectura urbis. Il prétendait aller faire la conquête de la Bretagne ' que César avait déjà tentée, et il annonçait aussi qu’il préparait la revanche contre les Perses. Horace l’accompagnait de ses vœux, en lui prédisant qu’à son retour il serait adoré comme un dieu. Il s’en allait en réalité, non pas pour revenir sous les traits d’un dieu, mais simplement pour conquérir une région riche en mines, pour passer utilement quelques années loin de Rome et se donner ainsi le temps de considérer quelle tournure allaient prendre les événemens.


GUGLIELMO FERRERO.