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ancien. César avait fait ordonner par le Sénat l’arpentage de tout l’Empire, surtout pour faire l’inventaire de ce gigantesque patrimoine, et pour en tirer meilleur parti. Mais les guerres civiles avaient ralenti et entravé le travail des commissions envoyées dans les différentes parties de l’Empire, si bien qu’il semble qu’en l’an 27, aucune région n’eût été encore entièrement mesurée[1]. Auguste avait déjà pris, des dispositions, — et ce fut un de ses premiers soins quand les guerres furent terminées, — pour hâter la fin de ce grand travail, de façon à tirer de ce patrimoine, au moins dans ses provinces, ce qu’il devait donner, en affermant les différentes parties par des baux perpétuels ou annuels à des municipes ou à des particuliers. La République pourrait ainsi compter sur un revenu constant. Ces biens, les terres surtout, au lieu d’être la proie des fermiers pressés de faire de l’argent et qui les mettaient à sac, viendraient dans le domaine des propriétaires, disposés à en faire l’usage qu’un bon père de famille fait de son patrimoine. Beaucoup de gens pourraient tirer profit de ces grandes richesses. Auguste en destinait une partie à l’aristocratie historique appauvrie, en compensation des biens perdus dans les proscriptions et dans les guerres civiles.

Auguste se proposait donc d’instituer un gouvernement modeste, respectueux des traditions, désireux surtout de rétablir la fortune de l’Italie et de l’Etat, pour accoutumer peu à peu l’Italie à renoncer à la conquête de la Perse et à ne plus regretter le passé. La paix, le relèvement des finances, le respect de la Constitution, c’étaient là les trois pivots de sa politique. Pour donner une plus grande preuve de modestie, il songeait à s’éloigner de Rome, en prenant pour prétexte la guerre contre les Cantabres et les Astures, bien qu’elle ne fût pas d’une importance à réclamer la présence du généralissime. Une longue absence présentait pour lui de considérables avantages à tous les points de vue. Il évitait de fatiguer, par la présence et le contact continuels, l’admiration dont il jouissait alors. Il habituait peu à peu les magistrats et les citoyens à agir tout seuls, sans venir le consulter pour toutes choses. Il diminuait pour lui-même les occasions de commettre des erreurs, de rebuter

  1. Voy. Ritschl « Die Vermessung des Römischen Reichs unter Augustus, die Weltkarte des Agrippa, und die Cosmographie des sogennanten Æthicus. » Rhein. Mus. Neue Folge, 1, p. 481 et suiv.