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d’imperator frapper pour ses soldats des pièces de monnaie de bon aloi, comme il avait commencé à le faire, au lieu des anciennes pièces à moitié fausses ; il pouvait enfin, à titre de consul, relever les abus et les fautes dans l’administration, et proposer au Sénat et au peuple des impôts et des réformes. Mais il ne pouvait ni diriger ni contrôler l’administration du trésor, placé de nouveau sous l’autorité suprême du Sénat et, depuis la dernière réforme, confié plus spécialement aux præfecti ærarii Saturni, , choisis par le Sénat lui-même[1] ; et il ne pouvait non plus surveiller la perception du tribut et les dépenses dans les provinces des autres gouverneurs[2]. En outre, ce n’était pas une chose aisée à cette époque, de proposer de nouveaux impôts ou des réformes financières. Le mécontentement aurait été terrible en Italie si, après la révolution, la paix, elle aussi, était venue lui réclamer de l’argent. Auguste ne pouvait donc penser à faire peser de nouveaux impôts sur la métropole, s’il ne voulait pas mettre en danger la popularité qu’il avait si péniblement acquise. Le Sénat et le peuple d’ailleurs ne les auraient pas approuvés. L’Orient aussi était épuisé et, après Actium, Auguste pensait qu’il n’était pas prudent de trop l’écorcher. Ainsi, puisqu’on ne pouvait rien demander à l’Italie, et qu’on ne pouvait pas non plus augmenter les tributs de l’Orient ; puisque les nouveaux tributs de l’Egypte ne suffisaient pas pour remplir le trésor, il ne restait plus qu’à se tourner vers les provinces barbares de l’Europe, vers la Gaule conquise par César, vers la Pannonie, vers la Dalmatie dont Auguste avait fait lui-même la conquête et qui jusque-là n’avaient presque rien donné. Depuis quelque temps déjà, Auguste songeait à soumettre ces barbares au tribut ; mais on ne pouvait pas espérer tirer beaucoup d’argent de nations si pauvres et si grossières[3]. En somme, la situation financière n’était pas moins difficile que la situation politique.

  1. Hirschfeld, Untersuchungen auf dem Gebiete der röm. Werwaltung, Berlin, 1876, I, p. 10.
  2. Cela est si vrai que la faculté d’intervenir dans les provinces qui n’étaient pas les siennes ne lui fut accordée qu’en l’an 23, comme nous le verrons. Dion, 53, 32.
  3. Je donne comme une hypothèse que, vers cette époque, on augmenta les tributs des provinces européennes. Pour ce qui est de la Gaule, cette hypothèse est confirmée par un texte de saint Jérôme, et pour les autres provinces par le fait que, comme nous le verrons aussi, quelques années plus tard, toutes ces provinces se révoltent à cause des impôts que l’on faisait peser sur elles. Cela donne à supposer que, quand la paix fut rétablie, les anciens tributs furent augmentés ou, ce qui revient au même, perçus avec plus d’énergie.