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Auguste ne songeait donc guère à la conquête de la Perse, et il ne voulait pas non plus assumer pour l’instant la tâche trop incertaine de réformer les mœurs en les ramenant à l’antique simplicité. Sur ce point encore, l’Italie et son héros semblaient, mais n’étaient pas d’accord. Ce n’étaient ni la revanche contre les Parthes, ni la réforme morale de la société qui étaient le souci le plus grave et le plus constant d’Auguste dans cette première accalmie, qui suivait la fin des guerres civiles. Il voulait donner ses premiers soins à une chose plus petite et plus urgente : la réorganisation des finances. Il estimait à juste titre que c’était là le prologue nécessaire de toutes les autres réformes[1].

Il était évident qu’aucun gouvernement ne pourrait ni entreprendre des guerres, ni réorganiser les services publics, s’il ne commençait par reconstituer son trésor, en lui assurant des recettes suffisantes et constantes, et s’il ne trouvait un remède à la disette inquiétante du numéraire en circulation. Malgré la fin des guerres civiles la situation financière de l’Empire restait mauvaise ; le trésor de l’État, ceux des temples et des villes étaient vides. Les sommes énormes qui avaient été confisquées pendant

  1. Les actes les plus importans accomplis par Auguste pendant les premières années de son gouvernement ne peuvent s’expliquer que si l’on admet qu’il voulut surtout réorganiser les finances. Pourquoi va-t-il faire dans cette même année une expédition au pays des Astures et des Cantabres, c’est-à-dire dans les régions les plus reculées de l’Espagne, et qui n’avaient aucune importance politique, alors qu’il avait de tous les côtés tant de difficultés ? C’est que, ainsi que Florus, 4, 2, 60 (2, 33) et Pline (33, 4, 78) nous le font savoir, ces régions étaient très riches en mines d’or. Cette hypothèse nous est confirmée par ce fait qu’Auguste, à ce moment, préparait la soumission des Salasses. Les Salasses habitaient la vallée qui passait pour être la plus riche en or de l’Italie. Il est vrai que l’on a voulu attribuer à cette entreprise un autre but, celui d’assurer les communications entre la Gaule et l’Italie, mais nous verrons que l’on ne s’occupa de ces communications que plus tard et très probablement la grande route du Petit et du Grand Saint-Bernard ne fut pas construite alors. Vers cette époque se prépare aussi l’expédition en Arabie, dont l’un des buts était de s’emparer des trésors que l’on attribuait aux Arabes. Voyez, sur ce point, Strabon (16, 4, 22). Enfin cette même année, Auguste va en Gaule ; il réunit, comme nous le verrons, à Narbonne, un conventus de chefs gaulois ; il ordonne que le cens soit fait en Gaule. Le motif de ce cens ne pouvait pas être une simple curiosité statistique, car nous verrons qu’il occasionna, quand on le fit, un mécontentement très vif dans toute la Gaule. Ce cens devait préparer une augmentation du tribut en Gaule : nous en trouverons la preuve dans l’histoire de Licinus et dans un texte de saint Jérôme. Nous nous trouvons donc en face de quatre actes importans, dont le but est de procurer de l’argent et des métaux précieux au trésor, et qui prouvent que la question financière occupait, ces années-là, la première place dans les soucis d’Auguste. Rien d’ailleurs de plus naturel après une aussi grande révolution, qui avait produit une si profonde crise économique dans tout l’Empire.