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bandits, turbulente et émeutière par habitude, il ne pouvait compter que sur son prestige de sauveur de Rome, de vainqueur de Cléopâtre et de pacificateur.

Ce n’était pas grand’chose, pour maintenir tranquille une furie pleine d’orgueil, de violence et de cruauté comme Rome. Mais si sa tâche à Rome était si difficile, que dire de la paix publique, de la bonne marche de l’Etat, de la régularité constitutionnelle que tout le monde attendait de lui ? Que dire surtout d’une autre aspiration très ancienne que la fin des guerres civiles ravivait maintenant dans toutes les classes : la réforme des mœurs ? Réclamée depuis plus d’un siècle tour à tour par tous les partis, tentée quelquefois sincèrement, d’autres fois par contrainte et d’autres fois par feinte, proposée, ajournée, proposée de nouveau, la réforme des mœurs apparaissait maintenant encore comme l’unique remède radical de la crise morale que l’on traversait, et comme le complément nécessaire de la restauration aristocratique. Tout le monde comprenait que, la République étant rétablie, il était nécessaire de reconstituer aussi une noblesse sénatoriale et un ordre équestre qui sauraient employer les richesses au profit du public, au lieu de les engloutir dans un luxe insensé ou dans de honteuses orgies ; qui donneraient au peuple l’exemple de toutes les vertus sur lesquelles s’appuie un empire conquis par les armes, c’est-à-dire la fécondité, l’esprit de famille, l’abnégation, la valeur militaire, les mœurs sévères, l’activité et la fermeté. Si une grande réforme morale ne venait pas régénérer l’aristocratie, comment pourrait-elle préparer dans son sein les officiers et les généraux qui devaient conduire les légions victorieuses jusqu’au cœur de la Perse ? Comment les institutions de la République auraient-elles pu fonctionner ? Horace avait déjà indiqué comme cause de la puissance de Rome la pureté des mœurs conjugales qui avait régné si longtemps dans les familles austères de jadis. Il avait dit bien haut à l’Italie que l’on ne pourrait vaincre les Parthes que quand les jeunes gens se soumettraient à une éducation nouvelle et plus sévère[1] Et il s’écriait maintenant :


Quid leges sine moribus
Vanæ proficiunt[2] ?...

  1. Odes, 3, 6, 17 et suiv. ; 3, 2, 1 et suiv.
  2. Odes, 3, 2, 4, 35-36.