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première fois, on a pu leur reprocher à bon droit d’avoir fait, acte révolutionnaire. Mais étaient-ils devenus pour cela des révolutionnaires véritables ? Fallait-il les traiter comme tels et les considérer comme incorrigibles ? Le gouvernement l’a fait, en quoi il a commis une faute à son tour.

Devenu chef du ministère, M. Stolypine, qui a montré d’ailleurs tant de qualités éminentes et a mérité par son sang-froid de si-sérieuses sympathies, s’est donné pour tâche de poursuivre les cadets sur le terrain électoral, de les traquer, de les anéantir. Il a fait condamner et déclarer inéligibles ceux d’entre eux qui avaient signé le manifeste de Viborg ; il s’est adressé au Sénat pour interpréter la loi électorale de manière à leur enlever le plus grand nombre d’électeurs possible ; il leur a refusé le statut légal ; il les a combattus avec acharnement et par tous les moyens. Quel a été le résultat ? Les cadets ont été assez fortement endommagés dans la lutte ; ils ont perdu une portion notable de leur contingent primitif ; mais ils n’en sont pas moins revenus en force dans la nouvelle Douma. Ils en forment, pour tout dire, le groupe le plus homogène, le plus compact, enfin le plus important, sinon par le nombre, au moins par la situation en quelque sorte géographique qu’ils occupent au centre même de l’assemblée.

En politique, il faut beaucoup oublier : nous souhaitons que les cadets et le gouvernement le fassent. On vit dans le présent et pour l’avenir, et non pas dans le passé : or, tout ce que nous venons de rappeler appartient au passé. Nous conseillerions volontiers au gouvernement russe de regarder à l’Occident, de l’autre côté de la frontière : il y verra un gouvernement encore tout fier de l’immense victoire électorale qu’il prétend avoir remportée. Nous n’en avons pas diminué l’importance : loin de là, nous l’avons reconnue en toute sincérité. Toutefois le gouvernement allemand, qui avait entamé contre le Centre une lutte non moins vive que celle du gouvernement russe contre les cadets, n’a pas réussi à diminuer le groupe catholique même d’une simple unité. On dit sans doute, et nous le voulons bien, qu’il n’est plus obligé de subir les exigences de ce groupe, puisqu’il a une majorité sans lui. L’aura-t-il longtemps ? Pourra-t-il maintenir unie sur le terrain gouvernemental la majorité de coalition qu’il a formée sur le terrain électoral entre les conservateurs et les radicaux ? Rien n’est moins certain, et, pour peu que le Centre continue de montrer l’esprit politique dont il a donné autrefois tant de preuves, il ne tardera probablement pas à rentrer dans la majorité. Le gouvernement et lui sont très acerbes l’un contre l’autre : rien de plus naturel après