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révolutionnaires : réunis, ils ne forment pas un groupe beaucoup moins considérable. Mais, entre la droite et la gauche, il y a le centre, c’est-à-dire les cadets et les progressistes, qui, au nombre de plus de 100, peuvent faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre. La question est de savoir si on pourra et si on voudra s’entendre avec eux : de la solution qui sera donnée dépendra le sort de la nouvelle assemblée.

On a reproché quelquefois, en Russie, à la presse française de montrer trop d’intérêt aux cadets, ou du moins un intérêt trop exclusif. Comment aurait-il pu en être autrement avec la dernière Douma, où on ne voyait qu’eux ? On voyait bien aussi les socialistes ouvriers ou agraires ; mais, en dehors des organes socialistes qui, naturellement, s’attachaient à leur cause, la presse française les considérait comme un danger purement révolutionnaire, et ce n’est pas à leur groupe qu’allaient ses encouragemens et ses sympathies. Les cadets obtenaient plus de faveur parce qu’on ne les considérait pas comme de simples révolutionnaires, et que, s’ils n’agissaient pas, du moins ils parlaient. Le gouvernement ne faisait ni l’un ni l’autre. En face d’une scène où se donne une grande représentation, le spectateur cherche à s’intéresser à quelqu’un ou à quelque chose, au risque de ne pas pouvoir le faire longtemps. L’intérêt que les cadets avaient d’abord suscité n’a pas tardé, en effet, à diminuer lorsqu’on les a vus se perdre dans une phraséologie déclamatoire et se borner à des manifestations vaines. Cependant on continuait de les distinguer des partis révolutionnaires, et dans les fautes de plus en plus graves qu’ils commettaient, on faisait au gouvernement la part de responsabilité qui lui revenait. Une assemblée, même la mieux composée du monde, ne se suffit pas à elle-même : elle ne peut faire œuvre créatrice qu’avec la collaboration du gouvernement, et le gouvernement de M. Goremykine refusait la sienne. Il a été bientôt évident que, s’il avait un plan, c’était de déconsidérer la Douma par la manifestation de son impuissance, et alors de la dissoudre. Ce plan était réalisable, mais le gouvernement a perdu patience avant que les conditions préalables en fussent réalisées ; la démonstration de l’impuissance de la Douma n’a pas été suffisamment faite, et la dissolution s’est produite d’une manière prématurée.

À ce moment, il faut bien le reconnaître, une sorte de vertige s’est emparé des cadets ; ils ont paru vouloir justifier après coup les reproches qu’on leur avait adressés trop tôt. Leur équipée de Viborg et le manifeste qui en a été la suite ont été une lourde faute : pour la