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L’intérêt de nos affaires intérieures nous a fait négliger depuis quelque temps, plus que nous ne l’aurions voulu, celles du dehors. Il s’en est cependant passé de fort importantes, surtout en Russie où des élections générales ont eu lieu et où une nouvelle Douma vient de se réunir. Tous les yeux sont en ce moment fixés sur Saint-Pétersbourg : on se demande ce qui va s’y passer. Nul ne peut le dire. Ni le gouvernement russe, ni la Douma ne le savent probablement mieux que nous.

Il y a de part et d’autre plus de bonne volonté que de confiance : mais, si cette bonne volonté se maintient, pourquoi ne dissiperait-elle pas les malentendus et ne viendrait-elle pas à bout des obstacles ? L’expérience de l’année dernière, quoiqu’elle ait été courte, paraît avoir porté des fruits. On constate plus de prudence dans l’assemblée et plus d’initiative chez le gouvernement. La première semble être un peu sortie des théories au rude contact des réalités, et le second avoir compris qu’il doit agir au lieu de s’abstenir et de s’effacer, avoir un programme, manœuvrer avec les partis, enfin se proposer un but et s’efforcer de l’atteindre, comme un vaisseau vise au port au milieu des courans contraires.

Il est déjà un peu tard pour parler des élections : tous les journaux en ont donné les résultats, qui ne sont pas tout à fait conformes à ce que le gouvernement russe avait désiré et peut-être espéré : toutefois, ils n’en sont pas assez éloignés pour qu’il y ait lieu de sa part à désespérer. La Douma d’aujourd’hui ne ressemble pas à celle d’hier. Sur celle-ci le gouvernement n’avait aucune prise et presque aucun moyen d’action. Le parti gouvernemental s’y réduisait à si peu de chose qu’on pouvait le considérer comme pur néant : il se composait d’une demi-douzaine de membres, qui avaient même pris la singulière habitude de s’en aller au moment des votes importans. Cela n’excuse pas le gouvernement de M. Goremykine de n’avoir rien fait, rien essayé, rien imaginé, mais explique dans une certaine mesure l’inertie où il s’est confiné, et d’où il n’est sorti que pour lire à l’improviste le décret de dissolution. La situation n’est plus la même. Sans doute le gouvernement n’a pas la majorité ; du moins il ne l’a pas de plain-pied ; mais il peut la conquérir s’il veut bien se prêter aux transactions nécessaires. Les monarchistes, les octobristes, les modérés, les Polonais qui marchent avec eux, forment un groupe très important : le gouvernement y trouvera une base solide pour ses opérations ultérieures. Si nous regardons du côté opposé de l’assemblée, nous y voyons le parti ouvrier, les démocrates socialistes et les socialistes