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les Jacobines, il nous revenait à l’esprit le souvenir d’une autre pièce et qui n’est pas le Dédale ; mais il est bien certain que M. Hermant n’y a pas songé, et le rapprochement n’en est que plus instructif. Il y a dans le répertoire du XIXe siècle une comédie surannée et fameuse, où une femme, mariée elle aussi à un très brave homme de mari, médite, non pas de le quitter, n’ayant pas encore la ressource du divorce, mais de le tromper. Elle aussi, elle a des aspirations, et qu’elle croit idéales. Le mari, qui prévoit le danger, prend à tâche de défendre sa femme, et de la maintenir dans le devoir. Et, comme dans les Jacobines, c’est lui finalement qui triomphe, tandis que le séducteur s’esquive confus et ridicule. Cette pièce n’est autre que la Gabrielle d’Emile Augier. Julien, ce modèle des maris bourgeois, reconquiert sa femme, et la pièce se termine par sa victoire amoureuse. Seulement jadis cette victoire nous était indiquée par le vers falot :

O père de famille, ô poète, je t’aime !


Aujourd’hui elle nous est montrée, mise sous les yeux, avec une précision qui ne laisse aucune place à l’incertitude. C’est la même scène, transposée suivant les exigences d’un art qui brave l’honnêteté. Nous avons fait des progrès en cinquante ans de réalisme. Mais n’est-il pas curieux de retrouvera la scène, dans nos modernes pièces contre le divorce, ce trio d’il y a cinquante ans, la femme incomprise, l’amant éconduit le mari vainqueur, et de voir le théâtre d’aujourd’hui prendre contre les divorceuses la même attitude que la comédie bourgeoise avait adoptée naguère contre les amoureux romantiques ?

La pièce de M. Hermant est d’ailleurs plus intéressante par les intentions qu’on y devine, que par la façon dont l’auteur les a réalisées. La marche en est lente, hésitante, confuse ; le dialogue en est terne ; avec un tel sujet et de tels élémens, c’est presque une gageure d’être arrivé à faire une pièce ennuyeuse.

L’interprétation est médiocre. Il faut tirer hors de pair M. Gauthier qui a su donner une excellente tenue au personnage de Lucien Drouart, M. Lérand qui a dessiné avec pittoresque une silhouette de gentilhomme tombé au reportage photographique, et Mlle Jeanne Heller amusante sous les traits de Nini Loupiau. Mais Mlle Dorziat n’a pas su souffler un peu de vie au personnage d’ailleurs si inconsistant de Germaine. Tous les autres rôles s’estompent et se confondent dans une sorte de brouillard.

Si les Jacobines sont une comédie de mœurs, à la manière de