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fidélité les mouvemens de l’opinion publique, et que l’opinion, après avoir été favorable au divorce, lui est devenue hostile ?

Nullement. Ce serait exagérer hors de toute mesure l’importance du théâtre dans les matières sociales. Ses manifestations n’ont pas sur la marche des idées l’influence qu’on leur prête parfois ; et l’on se tromperait en croyant y entendre, à chaque moment de notre histoire, un écho de la conscience publique. Les pièces d’il y a trente ans ne prouvaient pas plus un élan vers le divorce, que celles d’aujourd’hui n’indiquent un retour contre lui. L’explication est beaucoup plus simple et tient dans une constatation beaucoup moins ambitieuse. C’est que le théâtre, chaque fois qu’il touche aux institutions sociales, ne peut faire autrement que de les critiquer. Il est obligé d’en dénoncer les lacunes et les défauts, C’est sa raison d’être. Le théâtre, à portée ou à prétentions sociales, ne risque donc pas de manquer de sujets. Nos institutions, quelles qu’elles puissent être, lui en offriront plus qu’il n’en pourra traiter, — aussi longtemps du moins qu’elles n’auront pas cessé d’être imparfaites.

C’est d’abord par le ridicule que le théâtre s’était attaqué au divorce : la nouvelle situation faite aux époux par la loi était tout de suite apparue aux écrivains de théâtre par ses côtés funambulesques. Elle leur avait fourni une ample moisson de rencontres saugrenues et de quiproquos abracadabrans. Elle avait déchaîné l’éclat de rire de Divorçons et livré la scène à l’imbroglio des Surprises du divorce. Le vaudeville se trouva soudain tout rajeuni et ragaillardi. Succès dangereux ! Car peu à peu cette idée s’installait dans l’esprit du spectateur, que les situations créées par le divorce sont essentiellement comiques. Aujourd’hui encore, et quelque effort que les auteurs apportent à nous en faire apercevoir la gravité, il suffit d’une touche maladroitement appliquée ou d’une insistance fâcheuse pour tout compromettre : le vaudeville est toujours là, qui rôde et qui nous guette.

Peu à peu cependant, les autres genres durent s’adapter au nouvel état de choses : ils ne le firent qu’à regret, car rien ne vaut, au point de vue scénique, le spectacle de l’individu en lutte et faisant effort pour s’affranchir ; mais ils n’avaient plus le choix. La comédie parisienne, la comédie sentimentale, la pièce à thèse accueillirent le divorce : entendez par là qu’elles lui firent le plus mauvais accueil et le plus rude. M. Brieux écrivit contre lui le Berceau, M. Hervieu le Dédale. Dix autres, avec la même ferveur, prirent à tâche de signaler combien de ruines il accumule. MM. Hermant et Fabre continuent la série.