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organique et ce remaniement, qui entraîne transformation des formes animales, est toute l’évolution. Celle-ci nous livre, sous ce jour, sa signification. La vie évolue sous la menace d’un danger. Le transformisme est une réplique à l’hostilité croissante du milieu. C’est ce fait que j’ai résumé en ces termes : « Au changement continu du milieu extérieur qu’elle ne peut empocher et qui la domine, elle (la vie) répond par un changement des appareils organiques où elle s’enferme et, en vue de son immobilité, compense, par le changement qu’elle détermine, le changement qu’elle subit. »

Tous les esprits de bonne foi reconnaîtront qu’entre cette conception et la loi de constitution morphologique des organismes de Claude Bernard, il y a une différence considérable, ou plutôt un abîme. Cette différence, M. Dastre l’a déjà reconnue. « La fantaisie morphologique contenue par la soumission aux lois du fixisme, libre dans la limite de ces lois, voilà, dit-il, la solution de Claude Bernard et des physiologistes… » « On remarquera, ajoute-t-il, que cette loi de la constitution morphologique des organismes n’a point la prétention d’expliquer la genèse des formes vivantes ; comme elle est impliquée dans toutes, il semble a priori difficile qu’elle puisse rendre compte d’aucune en particulier[1]. » À cette contrainte limitée, imposée à la fantaisie morphologique par le fixisme physiologique, M. Quinton en ajoute une autre beaucoup plus étroite, celle qui est imposée par le fait nouveau qu’il fait entrer en scène, la modification du milieu. Cette contrainte nouvelle explique, dans ses grandes lignes, la genèse des formes vivantes. Telle est la différence qui existe entre la théorie de Claude Bernard et celle de M. Quinton, différence qui ne constitue pas une contradiction des vues de Claude Bernard, mais un progrès, et d’une importance considérable, dans la voie ouverte par ce grand savant.

J’en reviens donc à la conclusion de ma lettre précédente. « On peut tenter d’infirmer la valeur de l’explication fournie par M. Quinton du fait de l’évolution, on peut contester la valeur de ses vues biologiques, on n’en peut contester la nouveauté absolue. » Toute la question est là, et il n’y en a pas d’autre. M. Dastre, sur la foi d’articles dont les auteurs feront rectifier, s’il y a lieu et s’ils le jugent bon, l’interprétation, attribuait à M. Quinton la découverte d’Amériques scientifiques, et démontrait trop aisément que ces « vieilleries » ne pouvaient être prises pour des nouveautés. Les vues scientifiques de M. Quinton différant totalement de celles qui lui étaient gratuitement

  1. Voyez la Revue du 1er février.