Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/441

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

père vit-il encore ? « Il est mort, » répond d’une voix sourde la femme. « Y a-t-il longtemps ? De quoi est-il mort ? » Elle se dérobe, elle ne sait pas. « Il est mort à l’hôpital, dit-elle enfin, dans une espèce de folie, la bave à la bouche… » Ah ! oui, le delirium tremens, et tout s’explique… Le défilé des petites filles pour les colonies de vacances reprend. Demain, dans la matinée à la même heure, aura lieu la consultation pour les tuberculeux.

Ce dispensaire, qui, depuis quatre ans, examine, soigne et suit de 4 à 500 malades par mois, enfans et parens, qui compte 30 à 40 infirmières diplômées, toutes jeunes filles du monde, et qui fait recevoir à l’examen d’infirmières trente élèves en moyenne par an, est une institution de la Ligue fraternelle des enfans de France. Cette Ligue a été fondée en 1895 au palais de l’Elysée, sous la présidence de Mlle Lucie Félix-Faure[1], par un groupe de personnes qui désiraient secourir les misères de l’enfance et établir des liens de fraternité entre les enfans, les jeunes gens, les jeunes filles des classes aisées et leurs frères malheureux, enfans, jeunes gens, et jeunes filles pauvres ou abandonnés. C’est ce que M. Cheysson traduit ainsi : liguer les forces de l’enfance et de la jeunesse heureuses contre les misères de l’enfance et de la jeunesse malheureuses. Les misères de l’enfance affectent des formes multiples et toutes différentes : misère physique, misère morale, détresse de cœur, isolement, privation des choses les plus nécessaires à la vie quotidienne, et les protégés de l’Œuvre sont de tous les âges. Une œuvre qui veut soulager ces misères, et peut-être les supprimer, doit naturellement, elle aussi, affecter des formes multiples, avoir une souplesse qui lui permette de s’adapter à toutes les exigences. Mlle Lucie Félix-Faure, aujourd’hui. Mme Georges Goyau, dit volontiers et justement que la Ligue est bien plus un groupement d’œuvres qu’une œuvre, et plus encore un esprit qu’une œuvre. Avant tout, la Ligue est une amitié entre les pauvres et les riches, et cette amitié prend la forme que lui donne la nécessité présente. Distribution de secours aux enfans pauvres afin que les familles puissent les garder et les élever : placement chez des particuliers et dans les établissemens religieux ou laïques des enfans que leurs familles ne sont pas dignes d’élever ; subventions aux œuvres instituées en laveur de l’enfance, arbres de Noël, fondations de garderies,

  1. Mlle de Gourlet est aujourd’hui vice-présidente.