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On ouvre la porte de la salle d’attente. Une petite fille entre, le médecin l’examine : « Oh ! oh ! il faudra couper ces cheveux, avant de l’envoyer dans la colonie de vacances. » Une jeune fille se penche et aperçoit sur la nuque ce qui détermine l’exclamation du docteur. La petite fille s’en va. Une autre vient, puis une autre, il en vient cinq, dix, quinze… Ce sont les petites filles des écoles du quartier qui doivent aller dans les colonies de vacances et qu’on examine auparavant, pour savoir si elles n’ont rien de contagieux. Que de misères se déroulent ainsi sous les yeux des jeunes infirmières, les unes héréditaires, les autres simplement produites par le manque de soins ! Deux petites filles, deux sœurs, se déshabillent, elles ont d’extraordinaires déviations de la colonne vertébrale… Le médecin n’est plus que médecin, et il s’écrie : « Oh ! que cela est curieux ! Que cela est intéressant ! » et il se renseigne. Les deux petites répondent et sourient tristement. Combien de fois déjà ont-elles éveillé par leur infirmité la même curiosité !… Cependant il y a un arrêt dans la succession des petites filles. Un gamin arrive, il a les deux mains brûlées ; après l’examen du médecin, une jeune fille l’emmène dans la salle de pansemens et lui fait le pansement ordonné. Puis c’est un garçon de café, un grand garçon aux yeux troubles et hardis, qui rît de se voir au milieu de ces jeunes filles. Une maladie de peau lui ronge les deux mains, et en les montrant, il plaisante avec des allusions gaillardes, des clignemens d’yeux, et il offre de « payer l’apéritif aux infirmières et au docteur quand il sera guéri. » Nul étonnement chez ces jeunes filles, nulle révolte : elles en entendent chaque jour de semblables, et elles en voient bien d’autres : ou plutôt, elles n’entendent pas, elles ne voient pas, elles ne voient que les deux mains rongées qu’il faut soigner. Et l’homme, soudain gêné, se tait. Un petit garçon le remplace. Sa mère, qui le conduit, expose le motif de sa visite. Ce garçon a quatorze ans, il est aussi enfant qu’à six, et, elle l’avoue sans euphémisme, il est complètement abruti. Il a toujours envie de dormir. Asseyez-le sur une chaise en pleine fête des Invalides, quand ronflent les orgues des manèges, quand retentissent les cuivres des parades, les rugissemens des ménageries : il s’endort aussitôt, et rien ne pourra l’empêcher de s’endormir. De plus, ses pieds ne font qu’enfler, de la cheville au genou. Médecin et infirmières interrogent la mère…. Quels sont les ascendans de ce garçon ?… Son