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Étienne-Delaunay, en face de l’Union sociale, Mlle Gahéry loua pour six mois l’atelier d’un ébéniste. Elle y mit tant bien que mal son lit et celui de trois collaboratrices, effaça les dessins gaillards que les ouvriers de l’ébéniste avaient tracés sur les murs. Le jeudi 19 novembre, on attendit les enfans sur les trottoirs de la rue de Charonne et on les conduisit au nouveau local : sur 228 familles, il n’y eut que 12 défections. Mais quelle installation ! pas de bancs, pas de gaz, des fenêtres sans carreaux, l’atelier servait de chambre à coucher, de cuisine, de salle de récréation ; dans la journée on rangeait contre le mur les lits plians de la directrice et de ses aides. Ce ne fut qu’au bout de plusieurs mois que tout fut en ordre[1] .

Comme j’allais quitter Mlle Gahéry, nous entendîmes un grand bruit de petits pieds qui frappaient le sol, et de petites voix qui se confondaient.

— Ce sont les enfans qui jouent, dit Mlle Gahéry.

En effet, sous le hangar, petits garçons et petites filles jouaient. Une fillette de douze ou treize ans, — une petite mère, — les surveillait. Je parcourus l’établissement. Un plancher formé de planches et de poutres mal jointes divise en deux étages l’atelier d’ébénisterie. En bas, la cour de récréation ; en haut, de petites salles, pour les cours, avec des reproductions de tableaux et des affiches représentant des sites français ou étrangers. Oh ! certes, tout cela est d’un confortable sommaire, et j’approuve ce petit patron, qui souscrivit 500 francs pour que l’Union familiale s’installât plus commodément. On se demande comment une si médiocre installation peut suffire à une œuvre si multiple. Elle y suffit cependant, et on le comprend quand on observe que, de toutes les institutions qui la composent, plusieurs, comme l’école ménagère, le Jardin, le Grand Air, ont leur siège ailleurs. Je n’eus qu’à traverser la rue pour entrer dans l’école ménagère. La salle du restaurant, sur la devanture de laquelle un mauvais plaisant écrivit un jour à la craie ces mots : « Pension à 3 fr. 50 par mois, » était vide, car il n’était pas encore midi, mais dans la cuisine, claire, bien ordonnée, des petites filles préparaient le repas.

Cet enseignement ménager, auquel nous avons dû nous

  1. En plein faubourg. Tract de l’Action populaire, par M. Beaufreton.