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améliorer la condition de la famille ouvrière en inculquant à ses membres dès l’enfance l’esprit d’initiative, de prévoyance et de solidarité ; prévenir les maux pour ne pas avoir à les guérir ; observer une tolérance et un désintéressement absolus ; favoriser enfin le rapprochement des classes de la société, spécialement par la communauté d’existence. L’œuvre accueille les enfans âgés de deux ans et demi à six ans et demi que nous confient les parens absorbés par le travail. Elle comprend donc tout d’abord une garderie, mais une garderie où nous préparons les tout petits à recevoir plus tard avec profit l’enseignement de l’école primaire. Nous les développons physiquement, intellectuellement et moralement. Je crois en effet bien meilleur d’agir sur les enfans que sur les parens : les enfans, on peut les former complètement, tandis que les parens… La prévoyance diminuera l’assistance. Nous aurons plus tard à assister d’autant moins d’individus que nous en aurons prémuni un plus grand nombre contre les misères de la vie. Par exemple, l’instruction que nous donnons aux enfans est faite d’après une méthode différente des méthodes françaises. Connaissez-vous la méthode Frœbel ? Elle repose sur deux grands principes : il faut apprendre à lire autour de soi avant que d’apprendre à lire dans les livres ; il faut apprendre à dessiner avant que d’apprendre à écrire. Cette méthode développe d’une façon étonnante l’activité spontanée de l’enfant. Quand nos petits entrent à l’école primaire, ils sont bien un peu en retard durant quelques semaines, mais très vite ils se trouvent les premiers de la classe.

— Mais, interrompis-je, c’est encore tout de même de l’assistance, puisque vous accueillez chez vous gratuitement les enfans.

MIle Gahéry eut un geste indigné :

— Gratuitement ! oh ! non !… Je ne médis pas de l’aumône, mais il serait puéril de s’imaginer qu’en secourant les malheureux on contribue à la régénération sociale dans une mesure assez grande pour qu’on puisse se désintéresser du reste. L’ouvrier est fier ; l’Union familiale ne lui donne rien. Pour tout enfant qui vient à la garderie, les parens paient 10 centimes par jour. Et je vous assure que les parens sont enchantés de payer cette cotisation. Si faible qu’elle soit, c’est une cotisation tout de même, et ils participent ainsi à la vie financière de l’œuvre. Parfois, les parens nous demandent d’ajouter à notre enseignement