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d’être bonne ménagère et de faire souche de beaux enfans. » On fixe le jour des noces. Vers quatre heures, quand le soleil commence à décliner, le garçon, accompagné d’amis revêtus de lambas rouges, pénètre dans la maison de l’adolescente. Avec elle il va occuper l’angle Nord de la pièce, la place d’honneur, tandis que les parens de l’épousée se rangent du côté Est, la mère adossée au poteau central, près du foyer. Le jeune homme parle : « Nous venons, enfans de la même famille, frapper à la porte de la vôtre ; nous venons vous demander de faire souche avec nous, pour multiplier le nombre de nos rejetons. » Le doyen de la famille répond : « Nous vous ouvrons toute grande la porte à laquelle vous avez frappé. » L’aîné des amis du marié en offrant les cadeaux prononce les remerciemens : « Vous avez comblé nos désirs. Nous avions soif, vous nous avez offert de l’eau ; nous avions faim, vous nous avez offert du riz ; nous voulions nous asseoir, vous nous avez offert une pierre ; nous voulions entrer chez vous, vous nous avez ouvert la porte. Si vous nous donniez du linge, de l’argent, des esclaves, le linge finirait par s’user, l’argent par s’épuiser, les esclaves par mourir : le don que vous nous faites, — votre jeune fille, — est plus précieux et plus, durable. » Les parens s’assurent dès lors du droit qu’aura leur enfant de rompre si elle est maltraitée, ou si les conjoints « obéissaient à cet instinct de nature que les hommes se comportent dans la vie comme les anguilles dans l’eau, c’est-à-dire qu’ils aillent butiner à droite et à gauche. » Au repas qui suit, les époux mangent avec des cuillères en corne noire, significative de résistance et de durée, dans des assiettes d’argile dont le symbole est ce vœu : « Puissiez-vous toujours manger les fruits de la terre ! » Par ces incantations à la fois rituelles et familières, symboliques et pratiques, ce peuple sceptique et cérémonieux se prémunit de l’infidélité tout en l’envisageant dès ce jour avec philosophie.

Dans le ménage, excepté chez les Betsileos où, paresseuse, elle ne tisse ni ne laboure, et s’enivre, la femme est bonne ouvrière : les Mahafalys batailleurs, se volant leurs épouses comme leurs bœufs, en prennent plusieurs pour avoir plus d’esclaves laborieuses à leur service. Elles ne mangent pas avec l’homme ; malades, il les tient à l’écart ; mortes, il les enterre loin des enclos réservés aux mâles. Pour réagir contre la dureté d’une telle exclusion, les femmes de Farafangane élisent des femmes-chefs