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Une tendresse poétique qui les rend attentifs aux petites choses, aux herbes, aux minimes insectes, leur fait câliner en l’enfant la délicate faiblesse. Soucieux des honneurs funéraires auxquels ils tiennent plus qu’aux satisfactions de l’existence, ils voient dans les rejetons ceux qui seront là pour les ensevelir et veiller sur leurs tombeaux ; et comme ils ont acquis par la religion des ancêtres la conscience de la continuité sacrée de la vie à travers les âges, ils admirent aussi confusément en eux la force, la richesse mystérieuse de l’avenir. « Elle est malheureuse si elle n’a pas d’héritiers, la femme qui a des richesses, dit un proverbe sihanaka ; mais elle est heureuse, la femme pauvre qui a des enfans. » Ce que le Malgache honore avec aménité dans l’enfant, c’est la vie, dont il a, même dans la sordidité, le respect héréditaire le plus profondément pieux et idyllique. Ce respect rituel de la vie fait que la femme enceinte ne doit pas entrer dans une chambre mortuaire sans avoir frappé trois fois à la porte en prononçant tout haut pour chasser le souffle mortel : « Je suis enceinte, ô mort ! » ; qu’on n’enterre pas dans le tombeau des ancêtres, de ceux qui ont vécu, les restes de l’enfant né avant terme ; que pour conduire le défunt au tombeau, on attend quatre heures, l’heure où la vie du soleil baisse ; que, pour retourner un cadavre, on n’ouvre pas la tombe le matin alors que le soleil se lève et que la terre palpite de fécondité ; et qu’après les funérailles, les femmes, ces dépositaires de la vie, ont soin d’aller à la rivière pour se purifier des souillures de la mort.

Quand le Malgache devient père, il fait solennellement annoncer à tous ses parens et à ses amis « qu’il vit à nouveau » et que la « femme est ressuscitée. » Il tue des canards, des dindes, des poules, des porcs, des bœufs pour accueillir par une vaste distribution de viande ceux qui viennent avec une obole d’argent porter leurs félicitations au nouveau-né, et, aussi, pour répondre par un sacrifice de ses biens au présent que lui fait la vie. Des danses, des chants célèbrent, par leurs mouvemens enlacés et indéfiniment prolongés, le cours inépuisable de la nature. Des bombances de bonheur enveloppent d’opulence la venue au monde. Au creux des vallées belsiléos, le long des plaines sakalaves, des salves de fusils propagent au loin l’heureuse nouvelle, chaque détonation s’accompagnant de ce vœu habituel : « Puisse notre nouveau-né devenir un fameux voleur de bœufs ! » Suivant l’augure du mois, du jour, de l’heure où est né l’enfant, il reçoit