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recouvert de cuir de bœuf. C’est cette parenté logique, cette analogie plastique de tous les objets créés par l’homme pour ses divers usages au milieu de la nature qui constitue la puissante et simple beauté de la vie sauvage, comme la grandeur d’un paysage réside le plus souvent dans l’homogénéité, la répétition, la robuste monotonie des formes de la terre.

De même, ce qui rend la vie sauvage si frappante, si attirante et, pourrait-on dire, convaincante pour le voyageur, c’est le caractère d’unité dans lequel elle se révèle à ses regards. Pour qui accède au village après avoir traversé la confuse forêt ou suivi les tortueux dédales des défilés entre les collines, soudain et dans son ensemble elle se découvre. Il embrasse des yeux toutes les paillottes à la fois. Il y a la ramatoa qui, levant le calaou, va piler le riz au seuil du boucan ; la femme qui est debout devant cette maison dont un homme recoud la toiture, berce légèrement un enfant attaché à ses reins ; sous un manguier, une vieille au métier tisse l’étoffe de paille ; assise contre une cloison de chaume, une mère confectionne sur une tête ébouriffée la patiente coiffure de la jeune fille. Les rizières qui entretiennent l’existence des jeunes et des vieux sont au bas de la colline et le reflet du ciel baigne dans leurs eaux superficielles ; plus loin, des cris d’enfans font découvrir le troupeau de zébus parmi des rochers. Il n’est rien de caché à celui qui croit surprendre : une amphore d’argile rouge qui surgit au-dessus d’une tête brune au détour d’un sentier indique la source commune du village. Ainsi, toute la vie des hommes sur la terre se voit et se dispose clairement comme un paysage : on la comprend rien qu’à regarder et on la vit rien qu’à passer.


II. — LE CULTE DES ENFANS

Dans cette case humble et obscure comme une crèche, l’apparition de l’enfant est une fête de lumière : une semaine avant et après l’accouchement, un feu purificateur brûle nuit et jour près du lit de la mère. La perpétuation de la race est regardée comme le premier devoir et la joie la plus féconde de la vie. Le plus grand malheur dont puisse se plaindre un Malgache est de ne point posséder de fils : aussi ceux qui n’ont pu être pères le deviennent-ils « à la façon des tiges de maïs qui enfantent aux flancs, » c’est-à-dire en adoptant des enfans, ce qui est très fréquent.