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cas antérieure au poème de Girard de Roussillon qui nous est parvenu. En voici un bref résumé.

Dans un court prologue (§ 1-3), l’auteur de la Vita déclare qu’il veut résumer les actes du très noble comte Girard de Roussillon, « bien qu’ils soient déjà publiés à travers le monde et reçus par les peuples avec faveur et jubilation, » et ces termes sont vagues assurément ; mais, si on les compare à des textes semblables, au préambule de la Vita sancti Wilhelmi par exemple, qui désignent par des périphrases analogues les poèmes des jongleurs, si on les rapproche de cet autre passage où notre moine (§ 5) dit tenir le récit des guerres de Girard non seulement du témoignage des anciens, mais de chants en langue vulgaire (vulgo concinnente publicatur quod…), on voit qu’il allègue pour sa source une chanson de geste.

Selon lui, Girard était fils de Drogon, qui était fils lui-même du roi de Bourgogne Gondebaud. Quant à ses possessions, il tenait par droit héréditaire la plus grande partie de la Gaule, et ce sont les mêmes données fabuleuses que dans le poème. Il épousa Berte, fille du comte Hugues de Sens, et le roi Charles le Chauve épousa la cadette de Berte, Eloysa (nom qui rappelle Elissent de la chanson). A la mort de Hugues de Sens, les deux beaux-frères se disputèrent son héritage : Girard le revendiquait en vertu du droit d’aînesse de Berte, Charles le Chauve en faisant valoir des prétentions que l’auteur définit peu clairement, mais qu’il blâme assurément. On le voit, il n’y a pas trace dans la Vita de la rivalité d’amour qui dans le poème oppose Girard et le roi, ni des scènes où Girard est relevé de ses devoirs de vassal ; les deux textes s’accordent du moins en ceci que c’est un double mariage qui est la cause des guerres entre Girard et Charles, et en ceci encore que Girard a le bon droit pour lui.

La guerre qui s’engage est racontée en ces trois lignes par l’hagiographe : « A la mort du père de leurs femmes, s’élève entre le roi et Girard cette très cruelle querelle, pleine de deuil, d’où sont issues tant d’aventures ; pour laquelle tant de milliers d’hommes furent tués, tant de murs renversés, tant de maisons brûlées que nulle langue d’homme ne pourrait le raconter. » Vaincu, Girard est exilé ; mais (je cite la Vita d’après la vieille