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donne Elissent, rentre dans son château de Roussillon, où il est reçu à grande joie. Son cousin, Foulques, que ses ennemis tenaient en captivité depuis vingt-deux ans, est aussi délivré grâce à la reine et mène ses troupes au secours du comte. Les hostilités reprennent ; mais bientôt, par l’entremise d’Elissent, une trêve est jurée pour sept ans entre les deux adversaires (§ 607).

Pendant ces sept ans, Girard et Berte eurent deux fils ; mais ils ne jouirent pas de l’aîné, qui mourut petit. C’est aussi durant cette trêve qu’ils fondèrent, à Vézelay, une abbaye, pour y recevoir les reliques de sainte Marie-Madeleine : « La comtesse a pour la Madeleine tant d’amour et de dévotion que, de son vivant, Dieu fit de grands miracles » (§ 613), et, par exemple, il permit à Girard de découvrir, sous les arènes d’Autun, un grand trésor, jadis amassé par les Sarrasins. Girard en abandonne une grande part au roi et à la reine, ce qui achève d’apaiser son ennemi. Ils sont près de conclure une paix durable, et le pape, venu en France, y travaille ; mais les parens et les barons de Thierry d’Ascagne s’y opposent, et entraînent Charles, contre son cœur, dans une guerre nouvelle. Le roi fait dresser son camp dans cette même plaine entre Châtillon et Roussillon où, si souvent déjà, il a combattu. Girard, de son côté, a rassemblé une armée puissante. Il ne désire que la paix : pourtant, lorsqu’il voit réunis ces beaux chevaliers qui vont combattre les royaux, soudain, par un dernier et sublime revirement, le vieil homme se réveille en lui. L’ancien charbonnier redevient le duc Girard de Roussillon, plein d’orgueil et de démesure. Mais Dieu va encore une fois le châtier.


Lorsqu’il eut harangué ses barons, qu’il les eut baisés et remerciés, Girard monta au château, plein d’allégresse. Il s’est appuyé sur la fenêtre de la grande salle. Il regarde au-dessous de lui par les prés. Il voit tant de tentes dressées, tant de francs chevaliers bien hébergés ! Les armes étincelaient, les gonfanons déployés ondulaient au vent. « Ah ! s’écria-t-il, vallée de Roussillon, si longue et si large, où j’ai vu tant de chevaliers qui sont morts, auxquels leurs fils ont succédé, belle vallée, comme je vous vois aujourd’hui brillante ! Vous êtes le plus beau des trésors ! Il faudrait avoir le cœur bien bas pour se résigner à vivre loin d’un tel baronage ! Ce n’est pas de mon plein gré que je m’en séparerai, maintenant que je l’ai recouvré. Peu s’en est fallu que les menteurs tonsurés ne m’aient assoti par leurs sermons ! » À ce moment, il vit venir à lui son fils (le dernier survivant), qu’il aimait avec tendresse. Il était blond, et portait un bliaut neuf, de soie. Il n’avait encore que cinq ans. Jamais on ne vit plus bel enfant. Le