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anciens. On se contente de ce qui fut, on ferme les yeux sur ce qui pousse, on discute, on dénigre au lieu d’agir. Il faut, au contraire, changer, perfectionner sans cesse. Le changement est la loi de la vie. Quand nous avons décidé la création de nos derniers bassins, les plans arrêtés les prévoyaient de 160 mètres de large. Puis, après une réflexion de quelques mois, nous avons cru devoir les porter à 180 mètres. Enfin, comme, de jour en jour, les navires augmentent leurs dimensions, nous avons résolu de les pousser jusqu’à 220 mètres ! Au Havre, vous ne pouvez pas recevoir de plus grands bateaux que ceux d’aujourd’hui : vous n’avez pas de place ! Vous arrêtez donc, en toute connaissance de cause, le progrès de votre trafic, vous vous condamnez à renvoyer à l’étranger les navires au-dessus d’une certaine dimension… Concluez vous-même. »

Si nous donnons lavis d’un armateur étranger, qui juge si sévèrement, et malheureusement avec tant de vérité, l’organisation de nos ports de commerce, c’est que nous estimons ainsi nous faire mieux écouter, que si nous nous contentions d’émettre notre seule opinion. On est assez porté dans notre pays à croire plus volontiers les étrangers que les nationaux.

Si notre exposé porte principalement sur le Havre, la même constatation pourrait être faite à propos de nos autres ports.

Marseille, par exemple, le plus important de tous, n’est pas beaucoup mieux partagé. En 1893, — il y a quatorze ans, — le Parlement reconnut la très grande utilité du bassin de la Pinède, et en vota la construction. Il n’est pas terminé à l’heure actuelle… Marseille, port d’attache de nos importans services sur l’Orient et l’Extrême-Orient, ne possède pas de cale de radoub pour des navires dépassant 155 mètres de longueur. Et cependant, les compagnies, desservant ces lignes, auraient un intérêt primordial à augmenter les dimensions de leurs paquebots et de leurs cargo-boats, afin de suivre l’exemple de leurs concurrens. On dit bien que la Compagnie des docks, concessionnaire des formes de radoub, va enfin se décidera rallongement d’une de ces cales jusqu’à 200 mètres, mais il est à souhaiter que ce travail, qui aurait dû être effectué depuis longtemps, ne traîne pas indéfiniment en longueur, ainsi que nous avons eu jusqu’à présent à le déplorer.

Quelque pénible que soit pour nous l’obligation de prendre des leçons chez nos voisins, voyons combien ceux-ci ont procédé