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trouvé le moyen de joindre ensemble un remarquable libéralisme d’esprit, et une insensibilité, une dureté de cœur extraordinaire. Ce dernier caractère est sans doute commun à beaucoup de ses contemporains, mais il est plus choquant chez Bodin que chez beaucoup d’autres.

La plupart de ses ouvrages, qui sont assez nombreux, — je crois qu’il y en a même de presque inédits, — se rapportent au dessein de sa République, et si nous voulons le classer, il est essentiellement un « publiciste. » rappelle et on appelle généralement de ce nom les écrivains qui font profession de raisonner sur les lois de la politique, et d’en rechercher les « causes » pour en procurer l’« amélioration. » Le plus important de ces ouvrages « préparatoires » ou « explicatifs, » selon qu’ils sont antérieurs ou postérieurs à la République, est en latin, et intitulé : Methodus ad facilem historiæ cognitionem. Il a paru en 1566, dans la même année que Y Apologie pour Hérodote d’Henri Estienne : il est intéressant de les comparer, dans la mesure où ils sont effectivement comparables, comme étant l’un et l’autre une espèce de « philosophie de l’histoire. » Le magistrat au cœur dur, qui peut-être sait moins bien le grec, y fait preuve, en revanche, d’infiniment plus de largeur et d’invention d’esprit que le grand helléniste aux généreuses colères. C’est qu’il n’y fait pas emploi de son érudition, qui est très étendue, très variée, très sûre, pour des fins un peu basses, à la réalisation desquelles une connaissance approfondie n’était pas nécessaire. Nul besoin d’Hérodote pour attaquer le « papisme ! » Trois chapitres du Methodus méritent d’être retenus : le cinquième qui est intitulé : De recto historiarum judicio et qui contient la « théorie des climats » considérés connue l’un des facteurs essentiels de l’histoire ; le sixième, où sous le titre : de Statu rerum poeticarum, il est traité des « révolutions ; » et le septième : Confutatio eorum qui quatuor monarchias et aurea sæcula statuunt : c’est en effet ici la « théorie du progrès » qui s’ « annonce » en quelque sorte, et nous allons tout à l’heure la retrouver dans la République.

On peut rapprocher encore, puisque les dates non seulement le permettent, mais l’exigent presque, les Six livres de la République de Jean Bodin, angevin, parus en 1577 chez Jacques du Puy, libraire juré à la Samaritaine, des Dialogues d’Henri Estienne, 1578, et de la Précellence, 1579. Comment cela,