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de points intelligemment choisis, nous avons amoindri les forces de notre industrie des transports maritimes. Si nos navires de commerce avaient à leur disposition quelques ports bien aménagés, bien outillés, qui deviendraient les terminus de voies ferrées et de voies navigables, habilement combinées, ils pourraient être exploités dans des conditions incomparablement meilleures. Nous ne verrions pas, comme aujourd’hui, les marchandises d’importation s’éparpiller sur un nombre considérable de petits ports, qui ne peuvent être fréquentés par le pavillon français, sans les pertes de temps ruineuses qu’entraîne une navigation de cueillette. Nos marchandises forment, au contraire, un appât pour les navires étrangers qui, eux, après avoir pris dans leur propre pays le chargement qu’ils y ont trouvé, ont tout intérêt à venir, le long de nos côtes, remplir les vides de leurs cales ; et la situation géographique de la France permet pour beaucoup de nos voisins des escales fructueuses, presque sans déroutement. C’est ainsi que nous trouvons dans le volume des douanes (navigation, année 1904), à l’importation dans notre pays, sur un mouvement total de 17 615 354 tonnes, pour le pavillon français : 4 338 579 tonnes, soit 24,63 pour 100, et pour les pavillons étrangers, 13 276 775 tonnes, soit 75,37 pour 100 ; à, l’exportation, sur un mouvement total de 5 570 870 tonnes, notre marine compte 2 583 758 tonnes, soit 46,38 pour 100 et les navires étrangers 2 987 112 tonnes, soit 53,62 pour 100. Il est humiliant de constater qu’à l’importation par la voie maritime, nous ne transportons tous les ans que moins d’un quart de nos marchandises ; qu’à l’exportation, nous n’atteignons pas la moitié, et que l’étranger tient entre ses mains la plus grande part de nos transports par mer.

L’accaparement de ce gros tonnage de marchandises nous cause comme préjudice immédiat « un manque à gagner » considérable, représenté par le fret qui, au lieu d’entrer dans les caisses des armateurs français, et par conséquent de rester sur notre territoire, s’en va chez les armateurs étrangers ; et on a calculé de ce fait, qu’une somme de 350 à 400 millions était perdue annuellement pour nous. Mais il en résulte un autre préjudice non moins grave : nos propres marchandises, n’étant pas transportées sous notre pavillon, se trouvent pour ainsi dire démarquées et exposées aux contrefaçons qui prennent des formes multiples et bien connues. C’est par le fait de l’insuffisante force