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perçus au profit de l’Etat, indiquent l’importance du mouvement commercial d’un port et sa véritable utilité. Marseille, par exemple, fournit annuellement 3 millions environ comme droits de quai et elle reçoit, pour l’entretien de ses bassins, une somme n’atteignant pas 500 000 francs. Un autre port, dont il faut taire le nom, afin de ne blesser aucune susceptibilité, ne produit que 107 francs, comme droits de quai, ce qui n’indique pas une bien grande activité, et son entretien coûte 16 000 francs par an, bien qu’il soit tout neuf.

Ces deux exemples suffisent à prouver combien il est dangereux et onéreux de prétendre convertir en ports toutes les criques, toutes les baies plus ou moins tranquilles et pittoresques, qui s’ouvrent sur la vaste étendue de nos côtes de l’Océan et de la Méditerranée.

En effet, comment avoir la prétention de créer de toutes pièces et par un coup de baguette magique ce qu’on appelle un port de commerce ? Peut-on croire qu’il suffise de construire une jetée, de creuser un bassin, d’élever un môle cl d’éclairer un phare, et que, une fois ces travaux terminés, le problème soit résolu ? Ce serait une pure utopie ! Pour qu’un port maritime soit digne de ce nom, et qu’il légitime les sacrifices de l’Etat, il faut que, depuis de longues années, il soit le centre de grands marchés, un des principaux rouages de l’activité commerciale du pays ; qu’il ouvre une des grandes portes, par lesquelles entrent et sortent les marchandises constituant le commerce de la nation ; qu’il représente une des têtes de ligne des routes par lesquelles les produits d’importation se répandent dans le pays et à l’étranger, et ce n’est pas en creusant un bassin, en allumant un phare, qu’on peut l’obtenir : c’est le résultat de plusieurs générations, c’est l’œuvre des siècles !

Il n’est donc pas douteux que l’Etat perd sa peine et son argent en multipliant les ports. Il est non moins certain que tous ceux qu’il construit, en dehors des conditions que nous venons d’indiquer, sont des parasites qui vivent aux dépens et au détriment de ceux dont le rôle est véritablement actif et utile.

C’est donc sur quelques ports seulement qu’il conviendrait de fixer notre attention et, à leur égard, il faudrait rompre franchement avec nos anciens erremens, du moins en ce qui concerne la centralisation gouvernementale, et donner à ces ports