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main de l’ingrate Rome. Comment demander un concordat favorable, comment en espérer de gens qui n’ont tenu, en leur politique, aucun compte de l’abolition de la Pragmatique ? C’est alors que Louis XI va chercher à nouveau le vieil épouvantail, le tire des arcanes du Parlement et l’agite. Les ordonnances gallicanes reparaissent en 1463 et 1464, « pires, écrit un ambassadeur, que la Pragmatique Sanction. » Après 1465, c’est encore bien autre chose. Pie II est mort ; Paul III, plus que son prédécesseur, gère contre la France les affaires d’Italie. Sur le terrain ecclésiastique, d’ailleurs, ne refuse-t-il pas de laisser le Roi Très Chrétien nommer à vingt-cinq évêchés ? Qu’attendre de ce fâcheux ? Croit-il avoir affaire à un sot ? Si à diverses reprises Louis revient encore à la Pragmatique, puis la retire, il s’inspire tous les jours davantage de cette politique qu’il a d’abord écartée dans les premiers jours du règne et qui lui apparaît, à l’examen, meilleure qu’il n’eût pensé. Comme bien des fils, le rusé monarque trouve, sur le tard, que son père pensait juste. Néanmoins on tient à Rome la Pragmatique pour enterrée. Le Roi se décide donc à peser sur la Curie et ressuscite cette fausse morte. Le conflit éclata à l’occasion d’un bien médiocre personnage : ce Balue, que la cage où il fut enfermé a rendu presque populaire, était un mauvais diable, vulgaire, retors et sot à la fois, que Louis XI eut fort grand’raison d’encager. Mais il était cardinal, ayant reçu le chapeau précisément en récompense de l’abolition de la Pragmatique dont, avec l’évêque d’Arras Jean Jouffroy, autre maraud, il avait contribué à hâter la fin. Un cardinal en cage ! Le cas parut sérieux à Rome et fit éclater le conflit. Paul II entendait juger seul ce porporato confiné en une si austère retraite. Louis XI, ayant eu vent qu’une commission judiciaire venait en France pour absoudre ce mauvais serviteur, parla très haut, menaça de jeter dehors cette commission, de rétablir la Pragmatique Sanction, et de provoquer la réunion d’un concile réformateur.

Ce roi d’apparence pateline et narquoise avait retrouvé pour parler à Rome la voix âpre d’un légiste de Philippe le Rel. La Papauté prit peur : la Pragmatique semblait prête à ressusciter. Paul II céda, et lorsque Sixte IV lui eut succédé, celui-ci montra tant d’empressement à satisfaire le Roi que Louis crut le moment venu de régler le sort de l’Église de France à son profit. Il relégua derechef la Pragmatique et proposa un concordat.