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abolie, tolérée, rétablie, réabolie et derechef rétablie, ne sera pour lui qu’un moyen. L’historien des rapports du Saint-Siège et de Louis XI a indiqué le trait sans le souligner assez nettement. Le Concordat de 1472 est l’expression d’une politique constante : on y trouve l’embryon de ceux de 1516 et de 1801. Un gouvernement faible peut craindre un concordat, car il risque d’être joué. Seuls trois grands souverains, parmi les plus vigoureux que nous ayons eus, Louis XI, François Ier, Napoléon Ier, regardent d’un œil assuré le partage à faire, parce qu’ils savent d’avance que la part du lion sera la leur.

La Curie resta saisie. Pie II laissa éclater sa joie : l’entourage exultait. Le Siennois Lolli, familier du Pape, écrivait chez lui : « La Pragmatique Sanction est abrogée sans conditions. L’acte accompli hier a été des plus solennels et des plus beaux qui se soient vus depuis longtemps à la Cour (de Rome) ; on l’a célébré par des fêtes et des processions. » Le Pape était un humaniste : il envoya à Louis XI, avec une épée bénie, des vers latins de sa façon.

Aux remontrances du Parlement et de l’Université, Louis XI avait rudement répondu : « Allez-vous-en : car vous ne valez que je me mesle de vous. » Peut-être estimèrent-ils qu’il s’en mêlait trop. Le Parlement se résolut à plier en apparence : en réalité, il donnait contre tout pourvoi de Rome imperturbablement gain de cause à l’élu des chanoines, choisi suivant les règles de la Pragmatique. L’Université, cependant, ne dissimulait pas qu’elle gardait sa religion à la « Sainte Constitution de Bourges, » et même au Concile de Bâle dont, en 1516, elle dira encore qu’ « il a donné seureté et providence… telle que plus ne pourrait, se le Saint-Esprit visiblement était descendu. »

D’ailleurs, les tenans de la Pragmatique reprenaient courage. Le Pape avait été trop grisé d’un succès si imprévu : il en avait conclu que le Roi s’était définitivement désarmé. Et ses desseins le portant ailleurs, il ne rendait en Italie aucun des services que Louis avait attendus de lui. Un distique latin écrit de la main de Pie II était chose appréciable : le Roi eût cependant préféré qu’on lui octroyât le trône de Naples pour ses cousins d’Anjou.

Dès lors, tout se complique et s’enchevêtre. La Pragmatique reste au second plan, et il nous faut y rester avec elle. Au premier plan, ce sont les affaires d’Italie et aussi celles de la Ligue du Bien public. Dans l’un et l’autre cas, le Roi voit contre lui la