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longtemps à la pression que le Roi avait, à l’aide de l’instrument de Bourges, tenté d’exercer sur elle, c’est que la France à peine « libérée » parut se livrer par l’anarchie, plus qu’auparavant peut-être, aux maîtres dont elle avait déclaré si haut s’affranchir. L’impression de cette incohérente attitude fut si forte à Rome qu’elle détermina la Curie à tenir bon et dans les termes les plus énergiques. Le Parlement lui-même, — qui le croirait ? — devant cette sainte colère semble un instant intimidé : le Pape n’a pas le droit de pourvoir, mais peut-être a-t-il le droit de transférer. Quelle porte rouverte à Rome ! Et puis, encore que la Pragmatique n’en ait rien dit, bien des fidèles, — même gallicans, — admettent que le Pape doit confirmer. Or, parce qu’il a été élu, le pauvre Beschebien, médecin du Roi, confirmé par l’archevêque de Sens, est opiniâtrement empêché par le Pape de s’asseoir sur le siège de Chartres. Dans d’autres circonstances, le Pape eût accédé aux désirs du royal client en faveur de cet Esculape. Il semble alors que Charles VII se décourage et veuille s’entendre avec le Pape contre les décisions de Bourges. Instruit par l’aventure de Beschebien, le voilà qui, sans vergogne, trois ans après Bourges, sollicite pour son conseiller Jean Le Meunier l’intervention du Pape. Les chanoines ont fait essuyer au candidat du Roi un échec pénible. En vain « les douces prières et les bienveillantes recommandations » se sont fait entendre : le candidat du Roi a échoué. La Pragmatique soudain se découvre obstacle au bon plaisir. Qu’on est loin dès lors de l’intransigeance du 7 juillet 1438 ! Un petit concordat installe, en dépit des chanoines électeurs, Jean Le Meunier sur le siège de Chartres. Le Roi ira plus loin encore et l’aventure ici devient comique. Si le Pape radouci confirme l’élection faite à Clermont de Jacques de Courboin, voilà le Roi indigné : le Saint-Père ne sait-il pas qu’un des maîtres de requêtes de l’ostel, Jean d’Etampes, ambitionnait ce siège ? Et voici que Machet lui-même, après son royal pénitent, s’irrite. Le Pape respectueux d’une élection dont le Roi ne voulait pas ! La situation prête à rire.

C’est que, bien vite, trop vite peut-être, le Roi a essayé de recueillir tous les fruits de l’acte de Bourges : « les douces prières, » maintenant il en abuse, et leur douceur devient contestable. A Laon, à Meaux, à Angers, à Orléans, à Châlons, tous sièges enviables pour des serviteurs du Roi, on voit Charles VII intervenir : c’est la plus éhontée des candidatures officielles. De