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sur les électeurs, il ne voyait nul inconvénient à ce que, plus que jamais, le Pape fût tenu à distance. On laissait à Eugène IV, dans le visible dessein de le désarmer, la jouissance de quelques droits acquis, mais après lui le royaume devait être fermé aux « pourvus » de Rome. Les universités triomphaient, cependant : leurs amis enlevaient une décision d’après laquelle les deux tiers des prébendes seraient donnés à leurs suppôts. Dix mille licenciés in utroque jure frémirent d’aise de Toulouse à Paris. Collateurs de bénéfices et chanoines chargés d’élire ne pourraient agir sans le jaloux concours des quatre Facultés.

Mais là où éclata l’esprit nationaliste de l’assemblée de Bourges, — cette fois contre Bâle, — ce fut, entre autres mesures qu’il serait oiseux d’énumérer, dans la question de juridiction. Le Concile de Bâle avait, de par la Chrétienté, substitué sa juridiction à celle du Pape : qu’importait au Roi, à ses gens des parlemens et aux évêques français, que les plaideurs allassent porter causes et argent à Rome ou à Bâle ? Si l’on avait pu croire que Bourges serait un succédané de Bâle, on était cette fois détrompé. Pour bien affirmer encore à quel point on s’en éloignait, on blâma subsidiairement le concile d’avoir abusivement interdit aux papes de faire entrer leurs neveux dans le Sacré-Collège. « Chacun chez soi » est le principe qui triomphe à Bourges. Les Français choisissent leurs prélats, jugent leurs affaires, dépensent leur argent chez eux : que les Romains fassent ce qui leur plaît !

L’esprit de l’assemblée apparaît donc clairement : il est en partie conforme à celui du Roi. Celui-ci doit estimer qu’on fait la part trop large aux électeurs et collateurs et c’est par là que la Pragmatique est imposée au Roi par une aristocratie épiscopale, parlementaire et universitaire, qui déjà se croit maîtresse de l’Eglise de France : mais le Roi se rassure, ayant prêté une oreille attentive à l’amendement qui lui entr’ouvre la porte des chapitres électeurs : la porte entr’ouverte, il suffira, lui semble-t-il, d’un coup d’épaule pour l’ouvrir toute grande. D’ailleurs, le reste des décisions lui convient assez. On éconduit le Pape sans violence exagérée : on a ainsi dressé un mur entre Rome et la France. Il faut persuader au Pape qu’à ce mur aucune brèche ne sera faite, mais que le Roi est maître des portes et ne les ouvrira que quand le Saint-Siège viendra à composition.

Pour cela une dernière mesure s’imposait : c’est peut-être celle