Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/310

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

entre un Espagnol, Valbuena, et un Italien, Fantino Valaresso, un Français, moine bénédictin, Pierre de Versailles, auquel il avait conféré l’évêché de Digne. Valaresso ayant en latin revendiqué les droits du siège romain, l’évêque de Digne se livra, en français, à une furieuse attaque contre le « conciliabule » schismatique de Bâle. Mais Bâle riposta sur un ton plus haut encore : le chef de l’ambassade « bâloise » était d’ailleurs un conseiller de Charles VII, Géraud de Bricogne, qu’Eugène IV avait nommé à l’évêché de Saint-Pons et que la reconnaissance évidemment n’étouffait point. Il faisait cependant figure de désintéressement ! Ce produit de « l’intervention abusive du Pape romain » demandait qu’on revînt aux élections de la primitive Église, — à condition sans doute que la nouvelle constitution n’eût aucun effet rétroactif. En réalité, l’orateur de Bâle fut Thomas de Courcelles, dont la mémoire nous est en mauvaise odeur, car il avait été avec Cauchon l’un des juges de Jeanne. Il semblait qu’il dût avoir, de ce fait, un médiocre succès dans une de nos assemblées ; mais le haut archevêque de Reims, Regnault de Chartres, un des notables « pères » de ce « Concile de Bourges, » qui n’avait rien fait pour sauver Jeanne, ne pouvait garder rancune à qui l’avait perdue. Thomas parla avec violence de Rome et avec tendresse de Bâle, adjura les Français de ne point déléguer à Ferrare où le Pape convoquait un contre-concile, d’envoyer à Bâle, où le concile se perpétuait, de nouveaux représentans et de ne plus reconnaître Eugène IV suspendu par le sacro-saint concile. Subsidiairement, — car on était alors plus animé par les ressentimens que par les principes, — il pria l’assemblée d’adopter les décrets réformateurs du concile.

Ce point cependant paraissait seul admissible au Roi : nous avons dit pourquoi il n’entendait pas rompre avec le Pape. Les ambassadeurs de Rome et de Bâle s’étant retirés emportant leur âme irritée, le chancelier invita le clergé assemblé à se prononcer. Il fit toutefois savoir que « le désir du Roi était, avant tout, de conjurer toute espèce de schisme. » Cette concession faite au respect dû au siège de Pierre… et à la secrète politique de la couronne, il parut néanmoins que, provisoirement, le Roi entendait faire œuvre anti-romaine ou laisser l’œuvre s’accomplir. Un orateur officiel se chargea de démontrer la supériorité de l’Église (entendez le Concile de Bâle) sur le Pape qui, si éminent qu’il fut, « était faillible. » Ce tenant du Concile n’était