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n’en disposât pas seule. Le Concile de Bâle lui parut excessif et presque fâcheux. On pouvait s’appuyer sur lui pour effrayer Eugène ; mais il ne fallait pas rompre avec Eugène. Comment traiter un jour avec un pape qu’on a cessé de reconnaître ?

Le mieux était, tout en se disant désormais fort des décisions du Concile, de nationaliser le mouvement et, par là, de s’en rendre maître. Lui résister était impossible. Bâle semblait accorder, — et au delà, — ce que, cent fois, rois et peuple de France avaient demandé ; Parlement, Université, haut clergé exigeaient du Roi une sanction, et le royaume était trop désorganisé encore par la longue crise, le Roi avait un besoin trop pressant des concours qui entendaient se faire payer, pour qu’on put prendre contre Bâle la défense du Pape. Charles VI n’y songeait point ; entre Rome et Bâle, il n’y avait pas lieu de se prononcer ; la France ferait ses affaires toute seule. Provisoirement on ne connaîtrait ni Bâle ni Rome, mais Bourges où, dans les premiers jours du printemps de 1438, le Roi Très Chrétien appelait ses amés et féaux prélats à donner enfin une constitution à l’Eglise de France.

Des ambassadeurs arrivaient de Rome et de Bâle, l’injure et l’objurgation à la bouche : tranquillement le Roi les renvoya à Bourges où l’Eglise de France seule aurait, disait-il, la parole. Ce Valois semblait subitement s’effacer, se faisait petit : il n’était que la « main dextre » qui signerait le papier. Attitude assez commode et conforme à la politique traditionnelle qui tend à s’affirmer.

Le 5 juin 1438, l’assemblée était réunie à Bourges ; quatre archevêques, vingt-cinq évêques, des abbés et prieurs en quantité, les délégués des chapitres et universités. L’Université de Paris surtout avait délégué. Ces terribles pédans arrivaient avec du latin plein la bouche et au cœur tout le vieux levain des rancunes anti-romaines. On ouvrit les portes à quelques laïcs de marque : le Roi d’abord, le Dauphin Louis, pâle jeune homme de-quinze ans, au regard déjà plein d’astuce et qui silencieusement s’édifie ; puis quelques princes du sang, Bourbon, Anjou, quelques seigneurs, Pierre de Bretagne, Vendôme, Tancarville, le comte de la Marche.

Eugène IV avait cru habile de placer dans son ambassade,