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« toutes les fautes dont on l’accusait » et on l’y relève de l’excommunication « qu’on prétendait » qu’il avait encourue, excommunicationem quam incurrisse prætendunt. Telle quelle, cette absolution mit enfin un terme à l’agitation, 1590, et il put passer en paix les quelques mois qui lui restaient à vivre encore. Il mourut dans les premiers jours du mois de février 1593, étant d’ailleurs l’un des rares Français de son rang et de sa distinction qui ne se fussent pas ralliés à la monarchie d’Henri IV. La réconciliation était-elle donc plus complète qu’on ne l’eût voulue avec sa ville épiscopale, qui ne fit « sa soumission » qu’en 1594 ? Il avait été remplacé d’ailleurs dès 1591 par l’archevêque de Bourges, dans sa charge de grand aumônier de France.

« C’est par les traducteurs, a dit Jacques Peletier du Mans, dans son Art poétique, 1548, que la France a commencé de goûter les bonnes choses, » et, bibliographiquement, on a pu voir que l’assertion n’était pas tout à fait exacte. Marot et Marguerite, Rabelais et Calvin ne sont point des « traducteurs. » Mais si par traduction on veut bien entendre « adaptation, » ou « accommodation, » autant que « reproduction, » il n’a pas tort. Les traducteurs de la fin du XVe et ceux du commencement du XVIe siècle ont rendu de grands services à la littérature française. Comme Henri Estienne faisait l’étude des langues, et des textes des anciens, — ou des Italiens, — ils ont « vulgarisé » eux aussi les idées des anciens, à une date où, les littératures modernes n’existant encore qu’en puissance, il n’y avait, à vrai dire, d’idées, et par conséquent, au sens où l’on prenait alors le mot de « nourriture, » que dans les textes des anciens, — ou à leur défaut dans des textes latins. Quelles idées fortes, par exemple, et même en faisant, si l’on veut, une exception pour Commynes, peut-on dire qu’on eût exprimées en français ? La traduction, c’était donc bien l’antiquité tout entière, c’était les « idées » de l’antiquité, c’était les résultats de son expérience en morale, en politique, et même en rhétorique, mis à la libre disposition de quiconque savait lire. A un autre point de vue, c’était les ressources inconnues, les qualités de la langue maternelle, d’aisance et de diversité, de souplesse et de force, de pénétration, de gravité, de clarté, de « raideur, » comme disait Henri Estienne, révélées à nos écrivains, par cette lutte même avec un idiome étranger. Et, en effet, d’une langue à une autre, il n’y a pas de