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de s’émerveiller, assure qu’il en produira 694. C’est une belle chose que la précision ! Mais que deviennent en tout cela les centimes départementaux et communaux qui s’élèvent environ à 467 millions ? M. le ministre des Finances, après avoir avoué que la question était difficile à résoudre, en a remis la solution à une date indéterminée, et certainement lointaine : arrivera-t-elle même jamais ? Dès lors quelle complexité ! Les vieux impôts subsisteront pour les centimes additionnels, mais ces centimes, quoique additionnels, ne s’additionneront plus aux impôts d’État, à supposer que la réforme soit bonne, elle sera restreinte et partielle. On n’avait pas encore montré à la fois autant d’audace et de réserve, d’imprudence et de timidité. Comment fonctionnera une machine aussi compliquée ? C’est le secret de l’administration : elle nous dira bientôt combien de fonctionnaires nouveaux il lui faudra pour la mettre en mouvement. En réalité, nous aurons trois systèmes d’impôts, le système anglais et le système allemand, qui seront, chargés d’alimenter les caisses publiques, et le système français qui continuera de remplir les caisses départementales et communales. Plaignons ceux qui aiment la simplicité ! Évidemment, M. Caillaux sait s’en passer.

Sa réforme est le monstre législatif le plus effrayant qu’on ait encore vu en matière fiscale. Elle porte atteinte à la fuis à nos intérêts et à nos mœurs. On dit qu’elle allège les impôts qui pèsent sur la propriété non bâtie, c’est-à-dire sur la terre : c’est un moyen de séduire les petits propriétaires ruraux et les paysans. Que la diminution de l’impôt foncier soit un bien, nous ne le contestons pas : encore faut-il savoir par quels maux ce bien est compensé, et enfin si ce bien lui-même sera durable. Nous doutons fort de ce dernier point. La terre qui, seule, ne peut ni se cacher, ni émigrer, paiera finalement la rançon des folles expériences qu’on aura faites ailleurs. La terre est l’otage de toutes les réformes mal conçues et manquées : c’est ce qui nous fait trembler pour elle. Mais ce n’est là qu’un détail dans l’ensemble du projet, et cet ensemble est détestable. Nous aurons malheureusement l’occasion d’y revenir souvent.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

FRANCIS CHARMES.