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pas rédigé ces « Observations » en français, à moins qu’il n’ait cru qu’en latin elles seraient plus accessibles aux étrangers. C’est du moins la raison qu’on dirait qu’il en donne. Mais ce qu’on retrouve plus ou moins dans tous ces ouvrages, c’est la haine de l’italianisme, et, par exemple, je ne crois pas qu’on se soit expliqué nulle part avec plus de véhémence au sujet de Machiavel et du machiavélisme que dans le poème intitulé : Principum monitrix, Musa, sire de principatu bene instituendo et administrando Poema, 1590. Il faisait, nous dit-il lui-même, une promenade à cheval dans les environs de Francfort, quand il conçut l’idée de ce poème, et son cheval, un cheval turc, s’étant presque emballé dans cette promenade, c’est à l’excitation de la course et du danger que le poète attribue ce qu’il reconnaît tout le premier de verve et d’éclat dans ses vers. L’historiette est d’ailleurs un exemple du genre d’intérêt qu’on trouve encore dans quelques-uns des écrits latins d’Henri Estienne : il y a mis ses confidences, et ses ouvrages français sont bien loin de jeter la même clarté sur son caractère. Il ne paraîtra pas inutile d’ajouter que la Musa nionitrix se termine par un chaleureux éloge d’Henri IV, dont l’assassinat d’Henri III venait de faire le roi de France. L’auteur supposé des Déportemens de Catherine de Médicis était devenu l’un des courtisans d’Henri III, et s’était, à ce titre, tout de suite rangé du côté du nouveau roi.

Mentionnons enfin une dernière sorte d’ouvrages, qui ne sont pas proprement des ouvrages, mais des « recueils » ou des compilations, Narrationes ou Conciones, extraits ou choix, Florilegia, dont il semble bien qu’il ait eu l’idée l’un des premiers. Nous avons déjà dit qu’il n’y en avait guère qui répondissent mieux aux exigences du temps. Si l’on rapproche le goût d’Henri Estienne pour ce genre d’extraits de son goût pour les proverbes, on achèvera de comprendre son rôle, et pourquoi le caractère spécial de ses grands travaux, tels que son Thésaurus, ne l’empêche nullement d’avoir été pour ses contemporains un des « vulgarisateurs de l’antiquité. » On a tort d’avoir des préventions contre ce mot de « vulgarisateurs ; » il faut des « vulgarisateurs ; » et au cours de cette histoire, plus nous avancerons, plus nous en nous rencontrerons, qui n’en ont pas moins été des écrivains, des écrivains originaux, et d’autres écrivains qu’Henri Estienne. Qu’est-ce en effet que « vulgariser » l’érudition ou la science ? C’est tout simplement les mettre, sous la