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plus éloquente, mais la plus conforme à son caractère d’auteur de son Thésaurus linguæ Græcæ.

Enfin, et parce que, sans être des chefs-d’œuvre, tant s’en faut ! sa Conformité, ses Dialogues, sa Précellence sont d’une assez bonne langue, elles offrent ce genre d’intérêt d’avoir fait entrer dans le domaine de la littérature des sujets qui, comme ceux qu’il y traite, ne sont pas nécessairement littéraires, et en fait ne le sont pas devenus dans plusieurs autres littératures. La dissertation ou la discussion grammaticale ne passait point pour « œuvre littéraire, » et, si par hasard on avait formé l’intention de la rendre telle, nous avons vu que, comme Ronsard et comme Du Bellay, dans leur Défense et Illustration, on commençait par hausser le ton, qui devenait oratoire, et avec lequel, aussitôt, ne s’accordaient plus ces détails précis et particuliers qui seuls font le prix de ce genre de discussions. Si l’œuvre ultérieure de Ronsard et de Du Bellay n’était pas là pour nous l’apprendre, — leurs Sonnets et leurs Odes, — on se demanderait ce qu’ils ont exactement voulu faire dans leur Défense et Illustration, et nous avons vu que, même expliqué par cette œuvre, l’opuscule n’était pas toujours aussi clair qu’il est court. Les écrits philologiques d’Henri Estienne ont pour eux la précision et la clarté. Leur originalité consiste en ce qu’ils ne sont pas pour cela moins « littéraires, » et c’est justement en quoi ils ont pu servir de modèles. Un grammairien lettré, un littérateur qui sait sa langue, voilà ce qu’Henri Estienne a été dans une littérature et dans un pays où tant de grammairiens n’ont pas eu le sentiment de cet « art d’écrire » qu’ils analysaient, et où tant d’écrivains, et même de grands écrivains, n’ont connu de la grammaire de leur langue que ce qu’il en fallait pour la respecter.

Ces cinq ou six écrits, depuis l’Apologie pour Hérodote jusqu’à la Précellence, représentent l’« œuvre françaises » d’Henri Estienne : le reste est en latin, et ce reste est considérable. Nous n’avons pas à nous en occuper ici. Quelques-uns de ces écrits se rapportent à son dessein de fortifier en France, et d’y enraciner, pour ainsi dire, l’étude du grec, comme ses Paralipomènes, Paralipomena grammaticarum linguæ Græcæ institutionum, 1581 ; et, ainsi qu’on l’a fait remarquer, relient son œuvre, chronologiquement et historiquement, à celle de Budé. D’autres se rapportent à l’illustration de la langue française, comme ses Hypomneses de lingua gallica, 1582, et on ne s’explique pas qu’il n’ait