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va lentement ; combien de temps resterons-nous dans cet affreux Mexique ?


Il y a tant à dire, écrivait un officier de dragons[1], tant à raconter ! Je vous enverrai un journal auprès duquel le Constitutionnel ne sera qu’un polisson. Nous ne sommes pas encore à Puebla : les Mexicains en parlent comme d’un paradis. Dieu veuille que nous ne le perdions pas !

Tout était contre nous ; la méfiance ouverte et soutenue des uns, le manque d’unité dans les chefs d’armée, les ordres contradictoires du gouvernement.

Puis des maladies inévitables dans un climat aussi malsain, aucune prévoyance, ni direction dans le service de santé : ni ambulances, ni médicamens[2]. Aussi les forces de l’armée décroissaient autant par la mort que par les combats. Mon pauvre frère eut deux accès de fièvre jaune qui le rendirent longtemps languissant : « Est-ce que je manquerais d’endurance ? »

Nous espérions le voir revenir aussitôt après l’évacuation du territoire, mais son bâtiment reçut d’autres ordres ; là encore fut constatée la fâcheuse action de nos gouvernans.


Tu sais, cher père, que nous sommes arrivés à Zanzibar lorsque tout était fini, le fait accompli. Comprends-tu semblable erreur du pouvoir ? Ce sont des fautes difficiles à réparer et on ne s’y appliquera pas… Qu’en dois-tu penser ? Le Sultan avait signé un traité avec l’Angleterre ! ! !…

A Mme Le Brieux.

Chère maman,

Nous rentrons. Ah ! que j’ai besoin d’air natal, non seulement pour me remettre en santé, mais en joie, en espoir dans la vie.

Je reviens accablé d’ennui ; l’insuccès de cette déplorable guerre du Mexique, l’incurie de ceux qui conduisent les affaires me jettent hors de moi. Je vous parlerai de notre infructueuse station, à Zanzibar, où nous n’avions plus rien à faire !…

  1. M. F. G., officier de chasseurs, frappé mortellement d’un coup de lance.
  2. Dans un pays où la fièvre jaune est endémique, on ne trouvait même pas de quinine. Aucun moyen de transport pour les blessés.