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reproche une plaisanterie. Adieu donc, mon très cher comte, tout à vous pour la vie.

« Je ne puis répondre à la fin de votre lettre qu’heureusement vous avez oubliée. J’ai connu jadis, en Savoie, M. de Bovet, évêque, si je ne me trompe, de Sisteron. Je n’ai plus de correspondance avec lui, car mes forces ne suffisent pas à la moitié des lettres que je voudrais et souvent que je devrais écrire. Mais c’était un homme plein de vertus et de connaissances, dont le souvenir ne m’échappe point. S’il existe encore heureusement et s’il est à votre portée, vous m’obligeriez beaucoup en me rappelant au sien.

« Il me semble qu’en Angleterre, on agit aujourd’hui avec vous da cavalieri. Je ne sais pas finir avec vous ; en tous cas, ne lisez pas tout. »


Blacas ne s’offensa pas de la vivacité des démonstrations théologiques de Joseph de Maistre. Les témoignages affectueux dont elles étaient émaillées, lui permettaient de ne pas douter de la sincère amitié du « fier ennemi de nos libertés gallicanes, » et il lui pardonnait ses « duretés. » « Ne vous flattez point encore, cependant, déclarait-il, d’avoir guéri un de ces inconcevables Français, qui, au reste, n’impute pas à la soumission implicite, professée au-delà des monts, un principe aussi absurdement impie que celui de l’impeccabilité du Pape. Quant à son infaillibilité, elle est encore catholiquement contestée et les souverains pontifes n’ont jamais frappé d’anathème ceux qui la lui refusent avec l’Aigle de Maux. »

Pendant que les deux adversaires se livraient à ce débat, les événemens se chargeaient d’éteindre leur querelle. Les péripéties de la campagne de 1812 en affaiblissaient tragiquement l’intérêt. Joseph de Maistre les suivait d’un œil anxieux et, en attendant que Blacas répondît à ses argumens défensifs des droits de la Papauté, il continuait à lui envoyer les nouvelles qui, du théâtre de la guerre, arrivaient à Saint-Pétersbourg, en les commentant, parfois, avec une brutalité où se révélait la haine que lui inspirait « le monstre. » Cependant, quelque écrasans que fussent les coups qui frappaient celui-ci, et bien qu’il fût poursuivi l’épée dans les reins, il n’apparaissait pas, à Joseph de Maistre, comme définitivement vaincu. Le 4 mai 1813, il en faisait l’aveu.

« Je ne vous parle plus nouvelles, car dorénavant vous êtes