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les accueillir. Servons-nous de l’histoire et tenons pour sûr que le salut ne peut venir que de la France. Ce qui me rend si froid sur la guerre, c’est que j’en vois l’inutilité parfaite, à moins qu’elle ne soit coordonnée avec d’autres mesures dont on ne se doute seulement pas.

« Somme toute, le problème est de ceux qu’on appelle indéterminés. La solution est nécessairement fourchue. La maison de Bourbon sera-t-elle rétablie ou non ? Dans le second cas, c’est une obscurité parfaite, un chaos où je ne vois rien. Dans le premier, l’aspect est tout différent ; mais les moyens sont un autre chaos. La guerre sous ce rapport est un enfantillage. Lorsqu’on considère l’état de cette auguste maison, les bras tombent. Cependant, je ne puis cesser de me livrer à des espérances flatteuses, et je les fonde sur de puissantes raisons, quoique je ne vous les écrive pas.

« Je voudrais aussi que vous eussiez toujours présente à l’esprit une maxime incontestable et qui vous servirait à juger mieux certains événemens qui vous agitent extrêmement : c’est que l’univers est plein de punitions très justes, dont les exécuteurs sont très coupables. Je ne veux pas me jeter dans les applications, de peur de vous écrire encore dix pages, — je n’ai pas le temps. — Si jamais vous lisez mes spéculations imprimées, vous en jugerez. Des événemens très frais pourraient me servir d’exemple et ils seront encore suivis de beaucoup d’autres.

« Dans ce moment, mon cher comte, il n’y a plus de Français ; l’égoïsme, l’indifférence, la cupidité, l’immoralité ont à peu près tué ce grand nom. L’Eglise gallicane seule a pu faire soupçonner aux étrangers que la France antique donnait encore des signes de vie, marqués ; mais vous croirez probablement que ce sont au contraire des systèmes de putréfaction. Mourons donc, mon très cher comte, et renvoyons toutes ces questions à la postérité. En attendant, aimons-nous. Tâchons d’être au moins deux du même parti. Ce n’est pas trop exiger. Je n’ai plus d’espérance pour moi ; mais il faut penser aux autres. Comptez bien, je vous en prie, que mon attachement pour vous, fondé sur l’estime la mieux sentie, durera autant que ce reste de jours qui se précipitent pour moi et que j’embellis comme je puis, avec l’étude et l’amitié. Tout à vous.

« Mon fils vous prie d’agréer ses complimens. »